r d’Ahmosé; vous n’étiez pas les premiers. D’après le peu que je sais, les joyaux et les gemmes qu’il a prélevés lui ont servi uniquement à financer ses recherches.
Quand elle soupira avant de poursuivre, Liam eut l’impression qu’elle fléchissait.
Voulez-vous connaître le Message que mon père m'avait chargée de livrer ? Parfait, mais il est dénué de sens. Mon grand- père l’a voulu ainsi pour des raisons de sécurité.
Irbit se redressa, le menton levé, et Liam l’encouragea à poursuivre avec un regard d'apaisement.
Le Message dit : "Si l’on me laissait choisir librement - volontiers je choisirais une petite place au coeur du Paradis - mieux encore, devant sa porte
Le professeur Keifer. qui avait suivi l’entretien sans oser intervenir, était stupéfait.
Une comptine d'enfant ! Le Message n'est qu'une chanson que les femmes arabes chantent au berceau des bébés !
Oui, il s’agit peut-être d'une comptine ou de simples vers mais, logiquement, les paroles doivent être codées.
Le visage de Keifer s’éclaira quand il reprit au vol l'argumentation de son assistant.
Il s’agit certainement d’un code, mon cher Liam, mais d'un code dont Yoran l'Ancien est le seul à détenir la clé !
La résolution des assaillants s’émoussait à mesure qu'ils s'enfonçaient dans le long couloir qui menait au centre logistique du complexe. D’après le diagramme mural que Youssouf avait trouvé dans un poste de contrôle abandonné, 680 mètres les séparaient encore de leur objectif. Et, avant de l'atteindre, ils devraient franchir à l’explosif deux nouvelles portes étanches qui présenteraient vraisemblablement autant de difficultés que les précédentes.
Ali avait repris la tête de l’expédition avec un bandage sommaire autour du thorax. De plus en plus taciturne, ses ordres se réduisaient maintenant à quelques grognements secs ou à des monosyllabes.
Le tracé du tunnel serpentait sans raison apparente. 11 montait ou descendait selon le cheminement tortueux de la strate dans laquelle il avait été creusé mais, d'après la boussole, il revenait toujours à l’orientation sud-ouest, c'est à dire en direction de la mer. Après plusieurs vérifications, Youssouf acquit la conviction que la tanière de Yoran se trouvait assez près de la falaise qui surplombait la mer. Et ça, c'était un renseignement de première importance, parce que le vieil homme ne prenait aucune décision avant d’avoir soigneusement pesé les avantages ou les inconvénients qui pouvaient en découler.
Afin de ne pas s’exposer inutilement, Youssouf avait pris position à une vingtaine de mètres de l’éclaireur de tête, qu'Ali était obligé de remplacer fréquemment. La silhouette de celui qui ouvrait le chemin à présent se profilait distinctement à la lumière de sa torche. 11 était assez jeune, en tout cas pas plus de vingt ans, et son corps long et mince avait l’élégance et la grâce presque féminines des coureurs de fond. Mais il savait manifestement qu’il allait mourir. Ses yeux le disaient. Et dans les minutes qui précédèrent le moment de l’épreuve, Youssouf le vit lutter contre la peur irraisonnée de l'inconnu qui amoindrissait ses réflexes.
Au poste de contrôle de Yoran. à l'autre bout du tunnel, Farid avait les yeux rivés sur son écran.
Sur un ordre du maître des lieux, l’opérateur ferma le logiciel de surveillance de son ordinateur et rentra les données du programme ESTEC.
Ce nom barbare venait des initiales du Centre Européen de Recherche et de Technologie Spatiales, installé aux Pays-Bas dans la ville de Noordwijk. Les hommes de Yoran avaient mis la main sur les travaux particulièrement avancés du professeur Walter Shickle, l'ingénieur responsable du projet, qu'ils avaient adapté en modifiant la source énergétique de base. Dans le projet européen, cette source captait le rayonnement solaire par le biais d’un immense miroir de 7.2 mètres de diamètre constitué de 121 éléments hexagonaux montés en nid d’abeille.
Farid sélectionna une partie déterminée du couloir et mit en service un système de pompe à haute dépression qui créa un vide poussé équivalent à celui qui règne à 100 km au-dessus de la Terre. Il régla le vide jusqu’à 3 X 10-7 millibars.
La procédure suivante était déjà programmée dans l’ordinateur, et Farid se contenta donc de contrôler son déroulement. Des pompes turbo-moléculaires se mirent à extraire les molécules d'air au moyen de turbines à haute vitesse, tandis qu’une pompe cryotechnique alimentée par un réservoir refroidi à - 269°C par de l'hélium liquide poussa le vide déjà obtenu en liquéfiant instantanément les molécules d'air entrant en contact avec ses surfaces.
Le résultat ne se fit pas attendre.
* * *
La moitié du groupe d'assaut venait de s'engager dans une partie du couloir en forme de cylindre horizontal. Le reste des
assaillants suivait à distance prudente. Avec un chuintement, une forme-écluse épaisse de 50 centimètres jaillit du plafond et s'imbriqua parfaitement dans le plancher du couloir, coupant à l’avant-garde toute possibilité de retraite. Dans l'obscurité atténuée par endroits par la lumière des lampes portables, les parois du corridor se mirent alors à bourdonner avec un bruit étouffé.
Comme la dizaine de camarades qui le suivait de près, le pied droit de F éclaireur se posa pour la dernière fois sur le sol caoutchouteux. Dans le vide poussé, un miroir situé dans l'extrémité opposée du couloir réfléchit un faisceau de lumière intense fourni par une batterie de 19 lampes au xénon. Il atteint bientôt la puissance de 1.360 watts par mètre carré. Les variations de température devinrent ensuite de plus en plus extrêmes, allant de -200°C à +100°C en raison du bombardement par rayonnement infrarouge. Le cylindre horizontal se transforma alors en une sorte de solarium géant ou de glacière colossale.
Le jeune homme agita les bras pour conserver l'équilibre, la main droite crispée sur sa lampe qui dessinait en l'air un ballet dérisoire. Sa gorge semblait avoir pris la consistance du marbre. Il tomba à genoux, prostré, tremblant de tous ses membres, ses yeux remplis d'une terreur démesurée. La brûlure qu’il sentit dans les poumons lui arracha enfin un cri libérateur qui mourut dans un gargouillis grave.
De l’autre côté de la forme-écluse, personne ne se berça d’illusion quant au sort de leurs camarades. Les premiers moments de stupeur passés, Youssouf, partagé entre l'hésitation et la rage, eut le plus grand mal à rétablir un semblant de calme. Il fut même obligé de menacer avec son arme plusieurs de ses hommes qui détalaient vers la sortie du tunnel.
- Regardez, Cheik Yoran ! Les survivants essayent de se
sauver !
- Modérez votre enthousiasme. Farid. J’en ai compté encore onze, mais leur nombre n’a pas d’importance. Ils peuvent appeler des renforts à tout moment. Nous devons gagner du temps pour terminer l'évacuation de cette partie du complexe. Chaque mètre qu’ils avancent les rapproche autant de notre dernière ligne de défense, répondit Yoran en le regardant avec une expression désabusée, comme absente.
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L’artificier d'Ali n’eut aucune difficulté à faire sauter l’ancrage de la forme-écluse. Le système de verrouillage était le même partout, ce qui facilitait sa tâche. En franchissant la porte après l’explosion, la dizaine de rescapés se déploya des deux côtés du tunnel, précédés par un mercenaire désigné au hasard et dont la mission consistait à explorer la portion du mur et du sol qui se trouvait près de lui. Un deuxième homme éclairait le corridor loin devant avec une lampe de forte puissance.
Au bout d'une heure de progression extrêmement lente, ils n’avaient parcouru qu’un peu plus de deux cent mètres sans rencontrer d’obstacle digne de ce nom.
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