ʣif corallien. O'Donnel réduisit la vitesse du sous- marin pour permettre à ses passagers de jouir du spectacle.
Aucunement gênée par le submersible, une raie manta planait à quelques mètres du fond, poussée par le faible courant. Des dizaines de poissons aux couleurs vives se maintenaient à distance prudente et regardaient avec curiosité ou effroi ce monstre aux entrailles transparentes surgi de nulle part qui s’enfonçait dans leur territoire.
Un vieux mérou d'une centaine de kilos se tourna vers eux d’un mouvement puissant de sa nageoire caudale et fixa les passagers de ses yeux démesurés et glauques. Il ouvrait et refermait sa bouche aplatie comme s'il souhaitait s'adresser aux passagers. Son corps, d'un brun roux, portait les traces d'une rude lutte pour la survie. Le mérou poursuivit encore un moment son discours muet, puis finit par se lasser de son monologue. Il leur tourna le dos d'un majestueux coup de queue et repartit vers le récif corallien, fendant les eaux avec nonchalance.
Comme Y Opossum était en train de sortir du champ de possidonies, le pilote augmenta légèrement la vitesse. La plateforme continentale s'étirait à perte de vue. Le paysage, entrecoupé ça et là par quelques rochers épars, devint peu à peu monotone, car l’effet d'optique le faisait paraître interminable. Un terrain sablonneux se perdait ensuite à l'horizon, mais en raison des mauvaises conditions de visibilité ils ne pouvaient pas juger de son importance..
- Nous arriverons dans un peu moins d'un quart d'heure à notre première station sous-marine, dit le pilote en tournant vers Mike un visage où dansait le reflet des lumières du poste. Nous sommes actuellement à quatre-vingt-treize mètres de profondeur. La température extérieure de l'eau est de six degrés, annonça O'Donnel. Après le prochain virage, nous remonterons jusqu'à
trente-sept mètres.
Pendant que Y Opossum s'inclinait à l'assaut d'un plateau, Liam conclut que l'ensemble de connaissances que le cheik saoudien avait réussi à mettre en oeuvre ne pouvait pas provenir de l'espionnage industriel, aussi coordonné qu'il fût. Les recherches requises dépassaient largement ce cadre.
L’Irlandais regarda Irbit à la dérobée. Elle était absorbée dans la contemplation du paysage, et le pli soucieux de son front avait disparu. Ses traits avaient retrouvé l'insouciance et l'émerveillement de la jeunesse. Une veine minuscule battait contre sa tempe et sa poitrine se soulevait au rythme d’une respiration quelque peu accélérée.
En raison de la remontée, la lumière extérieure changeait graduellement. Elle prenait maintenant des tons turquoise et couvrait la flore exubérante d’un manteau étincelant. L’ascension ne dura que deux ou trois minutes. Un vaste plateau s’offrit alors à leurs yeux, s’étendant sur plusieurs kilomètres carrés, mais le regard n'arrivait pas à atteindre les limites. L'Opossum traversa d'étranges champs scindés en deux, comme si un socle géant avait tracé un sillon au fond de la mer.
A leur droite s'étendait ce qui paraissait être une culture d'algues dont les feuilles filamenteuses étaient recouvertes de spores translucides. A gauche, en revanche, le champ avait l’air d'une bananeraie ou d'une gigantesque plantation de tabac.
- La station sous-marine est droit devant, juste après notre ferme marine, dit le pilote. Ça vaut le coup d'oeil.
L’intonation de sa voix montrait à quel point il se sentait orgueilleux du travail accompli, même s’il avait déjà fait cette route des dizaines de fois. Les passagers, qui avaient tourné leurs regards dans la direction indiquée, prirent subitement la pleine mesure du projet auquel Cheik Yoran avait voué sa vie.
Telle qu'elle leur apparut au loin, la station s’adaptait parfaitement au milieu dans lequel elle s’intégrait. Sa forme faisait penser à une planète dotée d'une ceinture d’astéroïdes.
Comme Y Opossum se trouvait encore à cinq ou six cent mètres d’elle, ils bénéficiaient d'un panorama général mais ne pouvaient qu'estimer sa taille. En s’approchant, les détails de la
construction apparurent les uns après les autres.
Skinny O’Donnel, qui avait déjà conduit de nombreuses équipes à la station, imaginait aisément les sentiments qu’éprouvaient ses passagers. La petite fille de Yoran méritait bien quelques explications.
- La station est divisée en deux parties, fit-il en enclenchant la conduite automatique avant l'approche finale. Il y a d’abord le centre de commandement, qui abrite aussi les parties communes et les générateurs. 11 se trouve dans la demi-sphère centrale. Ensuite, les dépendances et les services annexes spécialisés sont installés dans les dix-huit modules sphériques qui composent le cercle extérieur. Ils sont reliés au centre de commande par des structures tubulaires en glassite de deux mètres et demi de diamètre.
Il leur expliqua que le grand-père d’Irbit s’était basé sur les expériences “Précontinent" du français Cousteau, et sur celles conduites par les Américains avec les “Janus’’. Aussi bien les Français que les Américains avaient obtenu des résultats extraordinaires mais avaient fini par abandonner leurs recherches.
Cheik Yoran s’était servi de cette technologie à l’abandon et l’avait mise en valeur en modernisant certains concepts. L’originalité de cette station par rapport aux précédentes tentatives résidait d’abord dans son architecture. L’innovation principale était là.
Membre à part entière de la nouvelle génération de scientifiques passionnés par la mer. Liam connaissait les expériences menées par les Français et par 'les Américains. Les raisons ayant motivé leur abandon lui échappaient toujours. L’océan, si riche de promesses, méritait mieux qu’une série de tentatives sans lendemain, mais les gouvernements ne semblaient pas s’y intéresser.
Les fonds nécessaires à l’exploitation de la mer n'étaient pas le véritable obstacle. Des millions de dollars étaient engloutis tous les ans dans des opérations beaucoup plus hasardeuses, dans des études de systèmes d’armement inédits qui n’aboutissaient jamais, ou par la dilapidation des fonds publics dans des projets farfelus ou dans des malversations de toutes sortes. Et l’océan nous attendait toujours, ses pis gonflés d'un lait que personne n’osait
L'Opossum se trouvait à présent à moins de deux cent mètres de la station. Les passagers pouvaient se faire maintenant une idée approximative de ses véritables proportions. Une lumière rouge se mit à clignoter près du profondimètre à ce moment-là. Le pilote, comprenant qu'ils venaient de dépasser la balise, reprit le contrôle manuel du sous-marin tout en poursuivant ses explications :
A l’heure actuelle, nous avons terminé une deuxième station analogue qui sera bientôt en activité. Sa zone d’influence s'étend sur un périmètre de dix-huit kilomètres carrés. Dans chaque station, nous aurons en permanence une équipe oscillant entre huit et dix personnes, relayées tous les quinze jours par des remplaçants venant du Nid.
L'Opossum, après un léger virage, entama la dernière ligne droite avant la station. Ils arrivaient à la hauteur d’une colonie de madrépores d'une taille extraordinaire. O'Donnel éteignit le commutateur des rampes lumineuses latérales, ne laissant allumé que le puissant phare avant.
Une installation de ce genre doit coûter une véritable fortune ! s’exclama Liam.
Pas tant que ça, ne croyez pas. dit le pilote en balayant son objection d’une chiquenaude. Pour vous donner un ordre d'idée, le coût approximatif d'une station comme celle que nous avons devant nous est à peu près le tiers de celui d'un barrage de moyenne importance, ce qui n'est pas rien, je vous l’accorde.
Le doute qu’il lut dans le visage de son passager le poussa à com
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