pléter ses explications.
Croyez-vous que Cheik Yoran aurait englouti des sommes si faramineuses si ses calculs préalables n'avaient prouvé avec une certitude absolue la rentabilité de notre procédé ? Je vous donne un seul chiffre pour terminer, car nous arrivons à la station. L’énergie que nous allons récupérer avec nos capteurs provient du frottement perpétuel des couches thermoclines de la mer et des mouvements tectoniques. Elle aura un coût trois fois inférieur à celui de l'énergie traditionnelle produite en surface. Songez un instant à l’effet de notre procédé dans l'économie mondiale. C’est comme si le prix du pétrole chutait d'un coup de baguette magique de
vingt dollars le baril à sept...
Ce serait la déprime du marché, ou peut-être un Crash 1 répondit Liam vivement.
Exactement, confirma le pilote. Un choc pétrolier, mais à l'envers. O'Donnel fit une courte pause et sourit vaguement avant de poursuivre.
L’énergie bon marché et inépuisable doit être à la portée
de tous.
* * *
L'Opossum s'arrima à la station par le côté gauche du poste de pilotage. Une ventouse y adhéra avec un bruit de succion, puis un dispositif à air comprimé évacua l'eau de mer afin de dégager l'accès.
Le sas étanche débouchait sur une pièce carrée dépourvue de mobilier. C'était une sorte de vestibule avec deux portes rectangulaires à gauche de l’entrée et une troisième, face au sas, de forme ovale.
Suivez-moi. dit le pilote en posant la paume de sa main sur le lecteur digital situé à droite de la porte ovale. Les autres portes conduisent aux installations de ce module, mais je n'ai pas le droit de vous y amener.
Où allons-nous alors ? demanda Liam en haussant les épaules.
Au coeur de la station, mais vous allez apprécier le détour, ne vous en faîtes pas. De toutes façons, nous devons passer par là pour emprunter un autre moyen de locomotion.
O'Donnel eut un sourire énigmatique et n'en dit pas plus.
Quand ils franchirent tous les quatre la porte ovale, que le pilote prit bon soin de refermer, ils débouchèrent dans le tube en glassite transparent qui menait du module à la station centrale. Il mesurait une cinquantaine de mètres de long. Le sol était composé de dalles en caoutchouc. Une série de rampes lumineuses était disposée à intervalles réguliers.
Le tube aboutissait devant une autre porte étanche munie elle aussi d'un lecteur digital. En remarquant ce détail. Liam se dit que la conception des systèmes de sécurité devait être l'oeuvre d'un spécialiste militaire de haut niveau, qui avait voulu isoler chaque accès au module central. Coupé comme il l’était, le tube devenait un genre de pont-levis donnant accès à une forteresse.
Skinny posa sa main à l'endroit prévu et la porte s’ouvrit avec un chuintement.
Venez, les invita-t-il d'un ton jovial. Le commandant de la station nous attend.
Le commandant Balboa, menu et tout en nerfs, but une gorgée de son café et considéra longuement ses invités, un mince sourire aux lèvres.
Ils se trouvaient dans l’observatoire situé sous la coupole transparente de la station. Filtrés par l'eau de mer, les rayons du soleil à mi-course vers son zénith baignaient la pièce d’une lumière chatoyante.
Ses deux invités fixaient la coupole iridescente avec une expression d'émerveillement sur le visage. Personne n’osait parler, craignant de rompre le charme.
Le commandant Balboa finit son café et posa la tasse sur la table basse. Il paraissait trop jeune pour un poste impliquant de si grandes responsabilités. Son allure était dynamique et son regard luisait d’amusement.
Vous aimez, n'esl-ce pas ? demanda-t-il sans s’adresser à personne en particulier.
Irbit, qui avait le sentiment de vivre dans une autre dimension depuis le début de leur escapade, tourna vers lui un visage baigné de lumière.
Aimer c’est un mot trop faible, Commandant, dit-elle avec enthousiasme. Le spectacle m’a d'abord surprise, mais maintenant je suis tout à fait séduite !
Balboa sourit et ses yeux se plissèrent jusqu’à devenir deux minces fentes.
Je dois vous avouer que moi aussi j'étais sous le charme le jour où nous avons fini d'installer la coupole. La beauté de ce spectacle nous a captivés tous. J'irai même plus loin : après quelques semaines passées sous ce dôme, on acquiert un regard différent sur la vie. je veux dire de la vie en surface; on en comprend mieux la futilité.
Irbit le regarda avec un intérêt accru. Pour un scientifique censé être peu enclin à ce genre de manifestation, il exprimait ses sentiments avec beaucoup d'aisance.
Depuis combien de temps êtes-vous en poste ici ? s’enquit-elle.
Voyons, cela doit faire plus de trois mois déjà, dit-il avec une pointe d'étonnement en se tournant vers elle. La lumière du soleil, transformée par l'eau, faisait danser des couleurs subtiles dans les yeux de la jeune fille ainsi que sur ses joues.
Notre pilote nous a dit en chemin que les premiers jours sont assez difficiles quand on est isolé dans les profondeurs et coupé de tout. Ça n’a pas été trop pénible pour vous de rester enfermé ?
Enfermé ? Mais pour quelle raison devrais-je rester enfermé, dites-moi ? répondit Balboa avec un rire étouffé. La plupart d'entre nous sortons sans arrêt, soit pour nous occuper de nos plantations d'algues ou pour notre propre plaisir. La mer est si vaste que notre vrai problème ne vient pas du confinement, mais plutôt du simple danger de nous perdre ! Non, franchement, je ne regrette rien, si ce n'est le fait de n'avoir pas connu votre grand- père quelques années plus tôt...
11 considéra la jeune fille et haussa les épaules avec une légère trace de condescendance. Il savait très bien qu'elle ne pouvait pas comprendre, ni encore moins partager cet amour exclusif et sensuel que la mer lui inspirait. Son compagnon non plus, d’ailleurs. Ils étaient à peine arrivés de la surface. Balboa avait conscience d'appartenir à une nouvelle caste de privilégiés, destinée à peupler le fond de la mer et à vivre en symbiose avec elle. Il se sentait vraiment chez lui sous le dôme, mais comme il détestait expliquer ce sentiment à des terriens, il préféra aborder un autre sujet.
J'ai cru comprendre que ce bon vieux Skinny a l’intention
de vous conduire à...
Ne dites rien. Commandant, interrompit le pilote. Il ne faut surtout pas leur gâcher la surprise !
Liam jeta un regard curieux à ces nouveaux habitants des profondeurs et sourit à son tour. Bien entendu, il n'avait aucune idée de l'endroit où O'Donnel comptait les mener, mais cela importait peu. Lui aussi se disait que la vie dans les fonds sous- marins leur réservait des moments très forts.
Il n'est que dix heures et demi, intervint Balboa après un rapide coup d'oeil à sa montre. Si vous ne perdez pas de temps, vous pourrez être de retour pour déjeuner. La façon dont notre maître coq accommode les ressources marines est remarquable. Du grand art. je vous l'avoue !
En se levant pour leur montrer le chemin, le commandant Balboa surprit une moue dans les traits de la jeune fille. Elle se leva aussi, mais son regard s’arracha de la coupole avec regret.
Partez sans crainte, Irbit, l’encouragea Balboa en posant une main amicale sur son épaule. A l'heure du déjeuner, le soleil aura atteint son zénith et frappera directement le sommet de notre dôme. Le spectacle sera éblouissant.
En quittant la station, le petit submersible qu'O'Donnel pilotait avec dextérité mit le cap au 240 durant sept ou huit cent mètres et obliqua ensuite vers l'est en direction de la côte, irbit et Liam étaient à son bord.
Le cap qu'ils avaient pris à présent était légèrement plus au sud que celui qu’ils avaient emprunté en allant vers la station. Ils longeaient l'extrémité méridionale du plateau où ils avaient aperçu les fume
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