ute sa longueur par de veilleuses minuscules posées à quelques centimètres du sol. Au bout, une porte métallique munie d'un verrou lui barrait le chemin.
Il s’adossa contre elle pour récupérer son souffle et pour étudier la meilleure manière de continuer ses investigations. Un long moment plus tard, un choc violent fit tressaillir le métal de bas en haut. Quelqu'un se trouvait de l'autre côté. Vraisemblablement, celui ou ceux qui étaient arrivés jusque-là n'auraient pas de mal à enfoncer la porte pour emprunter le couloir qu'il venait de traverser. Et, dans la mesure de ses moyens, Tafik avait la ferme intention de les retarder.
Tout en reculant, il tâta ses poches à la recherche d'un quelconque objet. Il n'avait aucune idée préconçue quant à la façon dont il allait s'employer, mais ses années d'errance solitaire avaient fait de lui un maître de l'improvisation. Il décocha un regard circulaire pour embrasser la totalité du passage, réfléchit un instant, puis, ayant trouvé une petite boîte ronde en plastique dans le petit sac qui ne le quittait jamais, il courut jusqu’au premier tournant, le dépassa, et s’accroupit sur le sol à la recherche d’un point solide pouvant lui servir d’ancrage.
Il le trouva juste au moment où le verrou de la porte sautait, accompagné d'un craquement métallique. Maintenant, chaque seconde comptait.
* * *
Youssouf faillit faire feu par réflexe. Il ne contrôla sa réaction qu’à la toute dernière extrémité. Le Libyen toisa cette sorte de gnome qui se dressait face à lui et qui le défiait avec une effronterie frisant l’inconscience. Déformée par les mauvaises conditions d'éclairage, l’ombre du garçon se profilait sur une dizaine de mètres avec quelque chose de menaçant et de dérisoire.
Qui es-tu, petit ?
Tafik laissa le temps s’écouler avant de répondre. L’individu qui se trouvait face à lui était certainement dangereux, car il avait réussi à se faufiler jusqu'à ce passage qui conduisait au centre du complexe, mais il était arrivé seul. Et un homme seul ne lui faisait pas peur. Il n'avait nullement l'intention de lui barrer le chemin. Uniquement de le retarder, le temps de donner l'alerte. Il lui répondit d’un ton narquois, pour le provoquer.
Personne. Et toi, que viens-tu chercher ici ? Tu n’es pas un employé de cheik Yoran, tu es donc venu avec les autres ?
Quels autres ? répliqua Youssouf, amusé par cette rencontre insolite. Il abaissa le canon de son arme.
Tafik décida de le malmener verbalement afin de l’exaspérer.
Les autres ? Ceux qui sont en train de laisser leur peau dans le tunnel. Et je crois que toi aussi, tu as beaucoup de chances d’y laisser la tienne...
Le Libyen fit un pas vers lui, un sourire mauvais au lèvres. Son air d’intellectuel avait disparu, et ses lunettes avaient glissé vers le bout de son nez, ce qui lui donnait l’allure d’un hibou s'apprêtant à fondre vers sa proie. Et dans un certain sens, c'était exactement ce qu'il avait l'intention de faire.
Tafik recula aussi, mais juste assez pour lui faire croire qu'il commençait à regretter son attitude. Il retira les mains de ses poches et se prépara à décamper.
Comme le gamin l'avait prévu, Youssouf s’élança vers lui brusquement. Ses chaussures à semelles de gomme frôlaient à peine le sol poussiéreux et il accéléra le pas, ne doutant pas un instant de sa capacité de rattraper cet enfant.
Tafik savait se déplacer avec une rapidité étonnante. Il tourna les talons et disparut en un clin d’oeil le long du couloir. Une trentaine de mètres plus loin, après le premier détour, il s'arrêta d’un coup, inspira une goulée d’air vicié pour se donner du courage et se retourna. Maintenant, il allait savoir si son piège pouvait fonctionner.
Youssouf parcourut la faible distance qui le séparait du gamin en quelques secondes. Il tourna à droite dans le croisement et son élan se cassa net. Il ne s’attendait visiblement pas à trouver Tafik à moins de trois mètres de lui, solidement calé sur ses courtes jambes et sans la moindre velléité de fuite. Le premier fil de pêche que le garçon avait installé à quinze centimètres de hauteur crocheta son pied gauche et le fit basculer irrémédiablement vers l'avant. Déséquilibré, il s’envola presque à l'horizontale et rencontra le deuxième fil, placé à une hauteur d'un mètre vingt et tendu à l'extrême. Avant de le rompre, la tête de Youssouf glissa sur le fil et son oreille droite fut entaillée aussi net que par une lame de rasoir.
Quand il tomba lourdement sur le sol, Youssouf cria de douleur autant que de rage. Il appliqua une main contre la blessure pour arrêter l'hémorragie et le sang coula aussitôt entre ses doigts jusqu'au plancher couvert de poussière.
Le pistolet muni du silencieux avait suivi le même chemin. Tafik le ramassa et le glissa dans la ficelle qui lui servait de ceinture. Il ne voulut pas achever l'homme tombé à terre qui le regardait avec une incompréhension totale. Avec un haussement d'épaules, le gamin tourna les talons et disparut dans le corridor. Il avait la démarche altière du paladin qui vient de terrasser son
premier dragon.
Youssouf appliqua un mouchoir maculé de cendre contre son oreille. La blessure saignait toujours, mais le débit du sang s’était ralenti considérablement. De sa main libre, il tira avec des gestes malhabiles sa radio de poche et appuya du pouce sur le commutateur.
Jaguar, ici Cobra. Me recevez-vous ?
A l’autre bout du couloir, dans le poste de soins qu’ils avaient installé dans le hangar attenant à la première porte étanche, la voix de son correspondant arriva très nettement jusqu’à lui, si fort qu'il dut baisser le volume.
Ok Cobra. Je vous reçois parfaitement. Alors, vous avez fait bonne chasse ?
La décontraction de la réponse fit penser à Youssouf que celui qui parlait n’avait probablement retrouvé sa superbe qu’en se sachant à plusieurs centaines de mètres de tout danger. Les tempes de Youssouf battaient la chamade et il avait la nausée. Il ne se sentait pas en état de converser.
Qui que tu soies, écoute-moi bien. Tu as compris ? Primo, tu vas appeler notre camp de base et leur demander qu’ils nous envoient tous les hommes disponibles avec tout leur équipement de combat, c'est clair ? Qu'ils rappliquent ici dare-dare. Le terrain est dégagé. Nous pouvons lancer maintenant l'assaut final contre le centre nerveux de Yoran.
“Secundo, dépêche-moi une équipe de tes cloportes pour constituer un point de soutien. Ne craignez rien, la voie est libre désormais !”
Comme le poste resta muet quand il eut fini de donner ses ordres, il appuya à nouveau sur le bouton de commande et demanda d’une voix déformée par la colère :
Alors, tu m’entends, abruti ?
Oui, parfaitement. Nous arrivons tout de suite !
Et n’oubliez pas d’amener une trousse de secours. J'ai été touché à l’oreille.
Le Libyen laissa tomber mollement l’émetteur sur son ventre et retira un instant le mouchoir qu’il tenait toujours contre la blessure. Le sang se remit aussitôt à couler et il cracha un juron en
serrant les dents.
- Où que tu soies, petit, nous nous retrouverons, se dit-il en posant le tampon à sa place.
* * *
Nous avons capté une émission radio sur ondes courtes, Maître. Nous ferions bien de les brouiller.
Allez-y, Farid. Sans radio, ils vont être obligés d’avoir recours à des messagers. Ce sera autant de temps de gagné.
L'opérateur actionna le système de brouillage de communications radio et de dispositifs de support des mesures électroniques. L'organisation de Yoran avait récupéré l’appareillage, fabriqué par la firme Electrospace Systems Inc, de Richardson, au Texas, à bord d’un appareil provenant du Fleet Electronic Warfare Support Group, un Grumman EA-6A Intruder abîmé en mer près des Nouvell
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