leversements que vous allez introduire dans cette partie du monde doivent éveiller toutes les convoitises. Un nouvel ordre économique dans ce continent signifie la fin des privilèges d’une caste qui se partage allègrement le pouvoir et les richesses. Et les habitudes ont la peau dure, surtout les mauvaises !
Le professeur Keifer, lui, ne s’était pas arrêté à ce genre de considérations. Il suivait un fil conducteur très précis et, comme lorsqu’il dirigeait ses fouilles, rien ni personne ne pouvait l’en éloigner.
Les sources d’énergie connues sont aujourd'hui assez diversifiées, dit-il en passant mentalement en revue celles qu'il connaissait. Si celle que vous avez découverte est réellement révolutionnaire, et je n'ai aucun à priori là-dessus, elle doit donc être...
Sa phrase demeura en suspens, et Cheik Yoran prit un temps avant de fermer cette parenthèse. Il savait que ses paroles allaient déclencher la même réaction que si quelqu’un tentait de démontrer la quadrature du cercle.
La source d'énergie que nous avons mise au point a deux caractéristiques assez particulières, commença Yoran en appuyant sur le mot “particulières”. D'abord, cette énergie est pratiquement gratuite. Ensuite, elle est inépuisable. En un mot, ces particularités proviennent de la source qui est à son origine et qui la propage.
Quelle est cette source ? demanda Liam d’une voix où se mêlaient l’admiration et l’impatience. Il avait du mal à se concentrer depuis quelques instants. Les paroles de Yoran l'avaient troublé et, tandis qu’il parlait, un rayon de lumière réfléchi par le sel gemme venait d'auréoler la chevelure d'Irbit d'une couronne d’argent, éclairant son visage et adoucissant ses traits. Son esprit vacillait entre l’attention qu'il souhaitait porter au problème soulevé par Yoran et cette force irrésistible qui l’attirait vers elle.
Je n'ai pas l’intention, jeune homme, de vous donner un cours magistral sur la tectonique des plaques ni sur le frottement des couches thermoclines de la mer. Je vais simplement essayer de répondre de mon mieux.
Yoran saisit un crayon optique et se mit à tracer un nouveau diagramme sur son moniteur. Le dessin apparut aussitôt sur le grand écran installé au milieu de la salle, traité et corrigé par le logiciel contenu dans le disque dur de sa machine. La première figure représentait un cube remplit d'eau aux trois quarts. Deux galettes aplaties étaient censées constituer le fond de l’océan.
Entre la surface et la plateforme continentale, expliqua Yoran en dessinant deux Lèches pointées l’une au dessus de l’autre et en direction opposée, les courants sous-marins s'interpénétrent ou se succèdent à diverses profondeurs. Ce mouvement est constant. 11 est simplement altéré en surface par l’action conjuguée des vents et de l'attraction lunaire. Au large, le courant froid des eaux profondes remonte vers la surface à la hauteur de la plateforme continentale. La nature est un pourvoyeur d'énergie de premier ordre.
Yoran traça deux flèches sur le fond plat de la mer, l’une en face de l'autre.
La terre aussi, elle travaille, il n’y a pas que l’eau. L’écorce terrestre subit des altérations continuelles. Les plaques tectoniques se séparent, s’affrontent, se déchirent ou se tordent. Parfois, des failles apparaissent dans des endroits fragiles ou dans les zones de rupture, et le magma crève la surface, avec une déperdition inestimable d’énergie en éruptions volcaniques ou en coulées de lave, ce qui ne représente qu'une infime partie de l’énergie contenue dans le noyau terrestre.
Posant son crayon à dessin sur sa tablette, il se tourna vers ses invités et poursuivit sans s’adresser à personne en particulier.
Quand nous avons commencé nos travaux d’approche, il y a de ça plus de vingt ans, j’ai volontairement placé la barre très haute. Le but que nous nous étions fixé était de récupérer une infime fraction de cette énergie inutilement gaspillée, la domestiquer en quelque sorte, et l’utiliser dans le but le plus noble qui soit.
Cheik Yoran vint auprès de sa petite fille d’un pas fatigué et s'assit à ses côtés. Les paupières lourdes, il lui caressa la main et secoua la tête comme s'il essayait de s’arracher à une emprise obsédante.
Nous avons beaucoup peiné, mais nous avons abouti. Nos équipes travaillant dans le Nid et celles dirigées par le père d'Irbit et disséminées en Europe et en Amérique ont réussi à trouver le moyen de domestiquer une minuscule partie de cette énergie. Et maintenant, grâce à la formule mathématique contenue dans le Message, nous allons procéder à notre premier test grandeur nature.
Irbit déposa un timide baiser sur la joue ridée de son grand- père et serra très fort sa main dans les siennes. Ses traits s’animèrent d’une force et d'une maturité insoupçonnées chez une personne de son âge. Le menton fièrement relevé, elle répliqua d’une voix empreinte de conviction :
C’est fini, grand-père ! Notre errance est finie maintenant ! Je suis là près de toi. Il n’y a que ça qui compte !
Cheik Yoran, tournant la tête vers un angle imprécis de la pièce, ajouta sur le ton de celui qui voit enfin se matérialiser son rêve :
Il n'est que temps de livrer cette énergie au monde. Des plaines arides de l’Arabie coulera bientôt une rivière qui fera fleurir le désert et embaumera la terre. Et cette marée miraculeuse déversera ses bienfaits au nord, au sud, à l’est et à l'ouest. Elle
transformera en paradis les contrées les plus miséreuses de notre planète...
Pendant que Cheik Yoran accompagnait ie professeur Keifer pour une visite des laboratoires, Liam et Irbit avaient été invités à faire une sortie en plongée dans les eaux de la mer Rouge.
Le vestiaire était une pièce de couleur ocre, toute en longueur et basse de plafond, avec des casiers munis d'un simple loquet rangés sur deux côtés. Dans un angle, une machine à café était posée sur un meuble haut, près d'une étagère contenant des livres et des revues techniques.
Des détecteurs de chaleur décelant toute présence humaine avaient remplacé avantageusement les interrupteurs. La porte, comme toutes celles donnant accès aux installations considérées sensibles, était munie d'un lecteur d’empreintes digitales et d’un analyseur de voix. L’air avait un léger relent métallique rappelant l’hélium, mais on s’y habituait au bout de quelques minutes.
Irbit sortit d'un placard deux combinaisons de plongée emballées dans des petits sachets. Le tissu arachnéen, chaud au toucher, réfléchissait la lumière sans être tout à fait phosphorescent. Liam essaya de déformer le tissu en tirant sur une manche, mais l'étoffe revenait invariablement à la position initiale.
Le plus naturellement du monde, Irbit lui tourna le dos et commença à dégrafer son survêtement, nullement gênée par cette promiscuité.
Liam entr’aperçut sa peau brune entourée de dentelle blanche, et sentit un frisson courir le long de son dos. 11 secoua la tête et se dit que le séjour d’Irbit en Suède ou en Finlande avait influencé son comportement autant que son passage aux States.
D’après les “longues oreilles” de mon grand-père, fit-elle sans se retourner, tu as appris tes rudiments de plongée pendant que tu faisais tes études d'archéologie en Irlande. Ensuite, tu as perfectionné tes connaissances dans le campus de l’université de Chicago, et plus tard au sein des U.S. Divers, où tu as été invité à suivre un stage. Est-ce que ces renseignements sont exacts ?
Cela remonte à plus loin, ironisa Liam pendant qu'il enfilait sa combinaison en se déhanchant. Quand j’étais tout petit,
j’aimais déjà me plonger dans mon bain ! Bon. soyons sérieux. Ton informateur ne t'a pas menti. J'ai toujours ét
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