re première équipe a provoqué un incendie dans l'usine où était emmagasinée la matière fissile. Mon camarade et moi avons eu un peu plus de mal à provoquer ceci, dit-il en lui tendant une coupure de presse d'un journal saoudien.
Arkady lut l’article écrit en anglais :
Explosion d’un dépôt d’armes à Khamir (Yémen) : 9 morts et 43 blessés.
Une violente explosion a détruit hier un dépôt d’armes et d’explosifs dans la banlieue de Khamir; faisant 9 morts et 43 blessés. Par ailleurs, et après les premières constatations, l'explosion aurait endommagé plusieurs bâtiments et brisé des vitres dans un rayon de quatre kilomètres.
D’autres considérations suivaient, mais l'essentiel était là.
Ils n'ont plus de détonateurs suffisamment sophistiqués pour faire exploser un engin nucléaire, fit Vania avec lassitude. Malheureusement, entre-temps, le problème s’est déplacé...
Soyez un peu plus précis, s’il vous plaît.
Oh ! Ils ont contourné la difficulté avec la complicité de certains membres de notre armée, de l'Iraq et du Yémen. Nous avons acquis la certitude, et je crois que les nouvelles instructions vont dans ce sens.
Les instructions que nous avons reçues sont trop imprécises quant au rôle que doit jouer mon navire, répliqua Arkady. Et je n’aime pas ça, ajouta-t-il en martelant ses mots. Non seulement je n’aime pas ça, mais je n'en ai pas l'habitude.
Votre tâche sera très simple. Commandant. D'ailleurs, nous n'avons pas de solution de rechange, car votre sous-marin est le seul à croiser dans ces eaux à l’heure actuelle. Nous avons appris que les composants de la première bombe atomique arabe quitteront dans quelques jours l'Arabie Saoudite, venant du Yémen. Elle devrait être montée sur place au milieu du désert, à l’insu du gouvernement, et ce malgré que le pays grouille d'agents de diverses puissances. Je pense qu'ils ont dû enfouir leurs installations profondément sous terre ou en creusant dans le flanc d’une montagne. En tout cas, ils n’ont pas été détectés par nos satellites.
“Nous connaissons le nom du bateau qui doit la transporter. Quand il sera en mer, votre rôle consistera simplement à vous en approcher d’assez près pour me permettre d'intervenir avec mes hommes. Le reste de l'opération est de notre seul ressort.”
Arkady considéra avec méfiance les propos qu’il venait d’entendre. Instinctivement, les opérations qui présentaient une apparente simplicité ne lui inspiraient aucune confiance, et les instructions qu'il avait reçues étaient volontairement peu explicites. Il devait “prendre toutes décisions utiles pour la conduite des opérations navales”. L’équipe de Vania devait, quant à elle, “supprimer la menace” en se servant du sous-marin comme d’un simple moyen de transport, mais Arkady restait persuadé que, dans ce genre de mission, son rôle ne serait en aucun pas ni de tout repos, ni aussi passif...
Parlez-moi un peu de ce bateau que vous souhaitez que nous interceptions...
Il s'agit d'une corvette lance-missiles, dérivée des Assad libyennes, et construite par les Italiens. Cette entité indépendante dont je vous parlais l'a récupéré et rafistolé après la guerre contre les Alliés de 1991.
Arkady, qui avait sursauté intérieurement en entendant le type de bateau contre lequel il devait se mesurer, poursuivit ses questions en essayant de garder un air détaché.
Connaissez-vous le nom de ce patrouilleur ?
Bien sûr. C’est le F220, répertoriée dans les arsenaux irakiens sous le nom de “Salah Aldin Alayoobi”.
Nom de Dieu ! Vous voulez dire que je dois m’approcher du F220 d’assez près pour vous permettre d’intervenir depuis un petit canot pneumatique ? Je vois que vous ignorez pas mal de choses à propos de ce type de bateau, Vania. Une corvette ou un patrouilleur lance-missiles n'est pas un bateau comme les autres, savez-vous ? Il a été conçu justement pour contrer l'attaque ou pour détecter l’approche éventuelle d’un sous-marin, qu'il soit classique ou nucléaire. Essayer de trouver un défaut dans sa cuirasse est pour le moins téméraire !
Arkady avait quitté son fauteuil et appuyait ses paroles avec des gestes larges à la manière d’un méridional, car les slaves s'expriment souvent avec la même emphase que les latins. Il poursuivit :
Savez-vous quelles sont nos chances d’intercepter “discrètement” un bâtiment pareil ? Nulles ! Elles sont nulles ! 11 est doté d’un hélicoptère de combat AB 212, d'un sonar Diodon de Thomson/CSF, d'un Square Tie, d'un Drum Tilt, et d'un équipement IFF Square Head, sans compter ses 6 torpilles ASM lias 3. Et pour ne rien gâcher à cette panoplie, la F220 file ses 36 noeuds sans pousser ses machines.
“Si ce bâtiment doit transporter une bombe atomique ou n'importe quoi d’autre, et que l’équipage exerce une surveillance tant soit peu poussée, nous ne pourrons pas nous approcher à moins de trente nautiques sans être détectés.
Vania ne semblait pas du tout contrarié par l'avis défavorable qu’il venait d’entendre. Sa mission, telle qu’elle venait de lui être définie, ne commencerait réellement qu’au moment d’aborder le navire. Ses hommes et lui devaient mettre le patrouilleur lance-missiles F220 “hors d’état de nuire”, autant dire le couler purement et simplement. Fe rôle dévolu à ses hommes était déjà assez difficile. Arkady Voronej, quant à lui, était censé les conduire au plus près de leur objectif. Il devrait creuser sa cervelle tout seul pour trouver la solution du problème.
Fes pensées du Commandant du Severodvinsk devaient s’orienter sensiblement dans la même direction, car il demanda après avoir pris un crayon et déroulé une carte marine de la région :
Avez-vous appris quelque chose à propos de la route que prendra la corvette ou du lieu de destination de sa marchandise ?
Vania passa une main sur son menton mal rasé. Il répondit, le regard fixé sur son verre :
C’est le dernier renseignement que nous venons d'obtenir. Commandant. Fa F220 doit partir de la localité d’Al Fith, au sud de Djeddah, derrière la petite île de Kishran, et se diriger soit vers l'Europe, soit vers les Etats-Unis. Nous n’avons pas eu le temps d’apprendre leur destination définitive. Je crois que vous savez que j’ai dû quitter ce pays avec quelque précipitation, n’est-ce pas ?
Arkady sourit en se rappelant le spectacle insolite que leur avait offert l’agent du Kremlin quand il avait dévalé à toutes jambes la route qui conduisait au port de Jizan.
Votre renseignement ne vaut pas tripette, Vania. En langage marin, cela veut dire qu’ils peuvent prendre le cap vers le canal de Suez ou vers le détroit de Bab-al-Mandab ! répliqua Arkady, agacé. Autant dire que nous avons une surface de quatre ou cinq mille kilomètres carrés à surveiller... A moins qu’une âme charitable à Moscou ne prenne la décision de dérouter l’un de nos satellites pour suivre la trace du F220, je ne vois pas comment nous pourrons le retrouver une fois qu’il aura gagné la haute mer.
Dérouter l'un de nos satellites est hors de question. Commandant ! jeta Vania en se redressant. Si nous impliquons de nouveaux services, nous augmentons d’autant les chances d'indiscrétion. Nous avons reçu l'ordre d'intervenir, et nous le ferons.
Arkady regagna son fauteuil et se servit un grand verre d’eau fraîche. Comme d’habitude, la vodka avait laissé dans sa bouche un arrière goût pâteux, mais sa molaire se faisait oublier pour le moment. Il répliqua d'un ton posé:
N’oubliez jamais, Vania, que, en tant que commandant de cette unité, je dois veiller à la survie de tous mes hommes, même des vôtres. Et pour sauver des vies, j'aurais souhaité avoir une marge de manoeuvre beaucoup plus large avant de tenter le coup. Dans l'état actuel de la situ
Monday, March 7, 2016
Extraction de données dans excel - 56
Rien qu’à voir son visage, il comprit que les ennuis n’allaient pas tarder. Le deuxième passager lui était tout à fait inconnu.
Si je puis me permettre, Commandant, je suggère que nous plongions le plus vite possible. L’endroit est inhospitalier.
Arkady le regarda avec un petit hochement de tête. La remarque était déplacée, car il n’avait nullement l’intention de moisir dans les lieux.
Mais nous vous attendions, Camarade ! Suivez-moi, s’il vous plaît. Je suis persuadé que vous avez des informations passionnantes à me raconter. Allons prendre quelque chose de réconfortant au carré.
Vania se glissa dans l'écoutille d'une démarche lasse. Il était fourbu, affamé, et dans ses yeux dansaient encore les torches de l’émeute qu’il avait déclenchée avant de quitter la ville saoudienne de Jizan. Durant ces derniers jours, il avait été soumis à une tension nerveuse extrême. Et maintenant, en descendant vers le ventre du sous-marin, il s’y sentait étranger.
Le sous-marin ne s’attarda pas dans les eaux côtières saoudiennes et plongea dès que possible. Comme la plateforme continentale s’enfonçait presque à la verticale en direction de l'embouchure du golfe d'Aden, le Severodvinsk entama la dernière partie de son voyage à 300 mètres de profondeur.
Quand ils furent installés dans le carré, Arkady remarqua à la lumière du plafonnier à quel point Vania semblait las et désabusé. 11 lui servit un généreux verre de vodka et trempa lui aussi ses lèvres dans l’alcool pour endormir sa molaire, qui recommençait à le taquiner. La vodka aiderait aussi son invité à lutter contre la fatigue.
Je suis désolé de vous empêcher de prendre tout de suite un repos bien mérité, Vania, mais nous avons reçu des nouvelles instructions. D'après le texte, je suis censé vous en donner connaissance le plus tôt possible.
Vania haussa les épaules dans un geste d'impuissance ou d'indifférence.
Ne perdons pas de temps, Arkady. Passez-moi ce message.
Arkady sortit un feuillet plié en deux et le lui tendit. Vania crispa sa mâchoire aussitôt. Le message avait été décodé. Par conséquent, Arkady Voronej était déjà au courant de son contenu.
Vania parcouru le texte avec un hochement de tête. Outre les formules protocolaires de rigueur et les codes d'identification habituels, les phrases essentielles ne laissaient place à aucune interprétation équivoque. Il relut à haute voix :
"Vous devrez informer le commandant Voronej, et lui seul, du résultat de votre intervention, de vos recherches ainsi que de leur objet. Il prendra toutes dispositions utiles pour la conduite des opérations navales. Quant au choix des actions éventuelles tendant à supprimer la menace dont vous venez d'apporter la preuve, il sera de votre seul ressort d'en définir les modalités.'"
Le reste du message contenait diverses précisions concernant les moyens mis à leur disposition, ainsi que d’autres considérations d'ordre secondaire. L'essentiel se trouvait plus haut. En somme, ni à Vladivostock et encore moins à Moscou, personne ne voulait prendre la responsabilité de donner la suprématie à la marine sur les services secrets ou vice-versa. Ils se lavaient les mains et renvoyaient Arkady et lui dos à dos. En attendant, ils devraient trouver entre eux un terrain d'entente.
Encore un peu de vodka ?
Vania accepta volontiers l’offre de son interlocuteur. Il allait justement lui en demander un nouveau verre pour l’aider à avaler la couleuvre de l'Etat-Major.
Ainsi donc. Commandant, maintenant vous savez...
Je ne suis au courant de rien du tout, justement, dit Arkady d’un ton péremptoire. J'espérais que vous auriez l’obligeance de m'affranchir à ce sujet. L’Etat-Major ne m’a pas dit pourquoi vous avez été embarqués à bord du Severodvinsk, ni pour quelle raison nous devions vous débarquer sur les côtes saoudiennes. Qu'avez-vous fait exactement et quels renseignements avez-vous obtenu au cours de votre petite excursion ? Personnellement, je serais aussi curieux de savoir pourquoi les Saoudiens vous poursuivaient avec un tel
acharnement jusqu'à la plage, ajouta-t-il avec une pointe d’ironie.
Vania sirota lentement sa vodka, le regard dans le vague. La main qui tenait le verre tremblait légèrement. Son visage buriné était hermétique. Il ferma les yeux avec un soupir et se concentra pour rassembler ses idées. Les explications risquaient d’être longues, et il fallait surtout qu'il veille à ne pas perdre de vue qu'il ne pouvait pas tout lui dire. Seulement l'essentiel, et c’était déjà beaucoup trop à son avis.
Vous nous avez débarqués il y a quelques jours sur les côtes saoudiennes pour vérifier l'exactitude de certaines rumeurs parvenues au siège de nos bureaux de renseignement. Des rumeurs inquiétantes. Si inquiétantes, dois-je dire, qu'elles méritaient confirmation de toute urgence avant d'être traitées comme il convient.
Une veine minuscule battait contre la tempe de cet homme rompu aux vicissitudes du terrain, mais le ton de sa voix ne reflétait aucune hésitation. Il était détaché, froid et professionnel.
Je présume que si l'Etat-Major a détourné le Severodvinsk de sa route il devait avoir une très bonne raison de le faire, répondit Arkady. l’encourageant à poursuivre.
Je vais résumer en vous disant que nous sommes peut-être à la veille de la première explosion thermonucléaire arabe. Rien moins que ça.
Un courant glacial s’installa dans la pièce. Arkady Voronej commandait un sous-marin doté du dernier armement atomique sorti des arsenaux. Par sa propre formation militaire, il savait pertinemment que les services compétents auraient du mal à identifier correctement la source d’une explosion nucléaire venant d’ailleurs que de celles déjà répertoriées. Une erreur d'interprétation pouvait être lourde de conséquences.
Avez-vous eu, vous-même ou l'un des hommes de votre équipe, confirmation de cette hypothèse ?
Oui. Nous n'en avons plus le moindre doute. Les Arabes possédaient déjà, en ordre dispersé, c’est vrai, la technologie et les moyens financiers indispensables. Largement. Jusqu’à présent, le seul obstacle était l’absence de volonté politique de coordonner une stratégie d'ensemble. Maintenant, nous savons qu’ils ont réussi à aplanir cette difficulté.
Voulez-vous me faire croire qu’à l'instant où nous parlons les pays arabes les plus avancés technologiquement sont arrivés à un accord de coopération, au préjudice de leurs propres intérêts, qui sont souvent contradictoires ? dit Arkady d’un ton où perçait l'incrédulité.
Jamais de la vie ! Les gouvernements des pays concernés ne sont pas impliqués. Au moins pas directement.
Je vous avoue que je m'y perds un peu. Vania... Vous insinuez que la mise en chantier d'une bombe atomique arabe puisse être le fait d'une entité indépendante ?
Arkady ne réussit pas à cacher son scepticisme. Il avait été formé à l’école communiste, donc collectiviste. L'initiative privée était proscrite sous n'importe quelle aspect. Par sa formation, ou plutôt par sa déformation, il avait du mal à admettre que pareille entreprise puisse échapper au contrôle d'un état. Après tout, une bombe atomique était autrement plus difficile à mettre en chantier qu'une chaîne de conditionnement de bouteilles de Coca-Cola !
Le Commandant Voronej balaya ses propres doutes d'un geste de la main.
Admettons donc, pour principe, que les Arabes soient en possession de la technologie appropriée pour mettre en chantier une bombe atomique... Quelle était donc votre mission en Arabie Saoudite ?
Vérifier sur place l’exactitude de nos informations, puis essayer de saboter les installations où se trouvent les divers composants.
Et alors ? demanda Arkady.
Nous avons réussi, répondit Vania avec simplicité. Not
Si je puis me permettre, Commandant, je suggère que nous plongions le plus vite possible. L’endroit est inhospitalier.
Arkady le regarda avec un petit hochement de tête. La remarque était déplacée, car il n’avait nullement l’intention de moisir dans les lieux.
Mais nous vous attendions, Camarade ! Suivez-moi, s’il vous plaît. Je suis persuadé que vous avez des informations passionnantes à me raconter. Allons prendre quelque chose de réconfortant au carré.
Vania se glissa dans l'écoutille d'une démarche lasse. Il était fourbu, affamé, et dans ses yeux dansaient encore les torches de l’émeute qu’il avait déclenchée avant de quitter la ville saoudienne de Jizan. Durant ces derniers jours, il avait été soumis à une tension nerveuse extrême. Et maintenant, en descendant vers le ventre du sous-marin, il s’y sentait étranger.
Le sous-marin ne s’attarda pas dans les eaux côtières saoudiennes et plongea dès que possible. Comme la plateforme continentale s’enfonçait presque à la verticale en direction de l'embouchure du golfe d'Aden, le Severodvinsk entama la dernière partie de son voyage à 300 mètres de profondeur.
Quand ils furent installés dans le carré, Arkady remarqua à la lumière du plafonnier à quel point Vania semblait las et désabusé. 11 lui servit un généreux verre de vodka et trempa lui aussi ses lèvres dans l’alcool pour endormir sa molaire, qui recommençait à le taquiner. La vodka aiderait aussi son invité à lutter contre la fatigue.
Je suis désolé de vous empêcher de prendre tout de suite un repos bien mérité, Vania, mais nous avons reçu des nouvelles instructions. D'après le texte, je suis censé vous en donner connaissance le plus tôt possible.
Vania haussa les épaules dans un geste d'impuissance ou d'indifférence.
Ne perdons pas de temps, Arkady. Passez-moi ce message.
Arkady sortit un feuillet plié en deux et le lui tendit. Vania crispa sa mâchoire aussitôt. Le message avait été décodé. Par conséquent, Arkady Voronej était déjà au courant de son contenu.
Vania parcouru le texte avec un hochement de tête. Outre les formules protocolaires de rigueur et les codes d'identification habituels, les phrases essentielles ne laissaient place à aucune interprétation équivoque. Il relut à haute voix :
"Vous devrez informer le commandant Voronej, et lui seul, du résultat de votre intervention, de vos recherches ainsi que de leur objet. Il prendra toutes dispositions utiles pour la conduite des opérations navales. Quant au choix des actions éventuelles tendant à supprimer la menace dont vous venez d'apporter la preuve, il sera de votre seul ressort d'en définir les modalités.'"
Le reste du message contenait diverses précisions concernant les moyens mis à leur disposition, ainsi que d’autres considérations d'ordre secondaire. L'essentiel se trouvait plus haut. En somme, ni à Vladivostock et encore moins à Moscou, personne ne voulait prendre la responsabilité de donner la suprématie à la marine sur les services secrets ou vice-versa. Ils se lavaient les mains et renvoyaient Arkady et lui dos à dos. En attendant, ils devraient trouver entre eux un terrain d'entente.
Encore un peu de vodka ?
Vania accepta volontiers l’offre de son interlocuteur. Il allait justement lui en demander un nouveau verre pour l’aider à avaler la couleuvre de l'Etat-Major.
Ainsi donc. Commandant, maintenant vous savez...
Je ne suis au courant de rien du tout, justement, dit Arkady d’un ton péremptoire. J'espérais que vous auriez l’obligeance de m'affranchir à ce sujet. L’Etat-Major ne m’a pas dit pourquoi vous avez été embarqués à bord du Severodvinsk, ni pour quelle raison nous devions vous débarquer sur les côtes saoudiennes. Qu'avez-vous fait exactement et quels renseignements avez-vous obtenu au cours de votre petite excursion ? Personnellement, je serais aussi curieux de savoir pourquoi les Saoudiens vous poursuivaient avec un tel
acharnement jusqu'à la plage, ajouta-t-il avec une pointe d’ironie.
Vania sirota lentement sa vodka, le regard dans le vague. La main qui tenait le verre tremblait légèrement. Son visage buriné était hermétique. Il ferma les yeux avec un soupir et se concentra pour rassembler ses idées. Les explications risquaient d’être longues, et il fallait surtout qu'il veille à ne pas perdre de vue qu'il ne pouvait pas tout lui dire. Seulement l'essentiel, et c’était déjà beaucoup trop à son avis.
Vous nous avez débarqués il y a quelques jours sur les côtes saoudiennes pour vérifier l'exactitude de certaines rumeurs parvenues au siège de nos bureaux de renseignement. Des rumeurs inquiétantes. Si inquiétantes, dois-je dire, qu'elles méritaient confirmation de toute urgence avant d'être traitées comme il convient.
Une veine minuscule battait contre la tempe de cet homme rompu aux vicissitudes du terrain, mais le ton de sa voix ne reflétait aucune hésitation. Il était détaché, froid et professionnel.
Je présume que si l'Etat-Major a détourné le Severodvinsk de sa route il devait avoir une très bonne raison de le faire, répondit Arkady. l’encourageant à poursuivre.
Je vais résumer en vous disant que nous sommes peut-être à la veille de la première explosion thermonucléaire arabe. Rien moins que ça.
Un courant glacial s’installa dans la pièce. Arkady Voronej commandait un sous-marin doté du dernier armement atomique sorti des arsenaux. Par sa propre formation militaire, il savait pertinemment que les services compétents auraient du mal à identifier correctement la source d’une explosion nucléaire venant d’ailleurs que de celles déjà répertoriées. Une erreur d'interprétation pouvait être lourde de conséquences.
Avez-vous eu, vous-même ou l'un des hommes de votre équipe, confirmation de cette hypothèse ?
Oui. Nous n'en avons plus le moindre doute. Les Arabes possédaient déjà, en ordre dispersé, c’est vrai, la technologie et les moyens financiers indispensables. Largement. Jusqu’à présent, le seul obstacle était l’absence de volonté politique de coordonner une stratégie d'ensemble. Maintenant, nous savons qu’ils ont réussi à aplanir cette difficulté.
Voulez-vous me faire croire qu’à l'instant où nous parlons les pays arabes les plus avancés technologiquement sont arrivés à un accord de coopération, au préjudice de leurs propres intérêts, qui sont souvent contradictoires ? dit Arkady d’un ton où perçait l'incrédulité.
Jamais de la vie ! Les gouvernements des pays concernés ne sont pas impliqués. Au moins pas directement.
Je vous avoue que je m'y perds un peu. Vania... Vous insinuez que la mise en chantier d'une bombe atomique arabe puisse être le fait d'une entité indépendante ?
Arkady ne réussit pas à cacher son scepticisme. Il avait été formé à l’école communiste, donc collectiviste. L'initiative privée était proscrite sous n'importe quelle aspect. Par sa formation, ou plutôt par sa déformation, il avait du mal à admettre que pareille entreprise puisse échapper au contrôle d'un état. Après tout, une bombe atomique était autrement plus difficile à mettre en chantier qu'une chaîne de conditionnement de bouteilles de Coca-Cola !
Le Commandant Voronej balaya ses propres doutes d'un geste de la main.
Admettons donc, pour principe, que les Arabes soient en possession de la technologie appropriée pour mettre en chantier une bombe atomique... Quelle était donc votre mission en Arabie Saoudite ?
Vérifier sur place l’exactitude de nos informations, puis essayer de saboter les installations où se trouvent les divers composants.
Et alors ? demanda Arkady.
Nous avons réussi, répondit Vania avec simplicité. Not
Extraction de données dans excel - 55
es Hébrides.
Dans le poste de contrôle, l’équipe de service avait commencé à évacuer les lieux en bon ordre et sans la moindre trace de panique.
Yoran s’approcha de l’un de ses gardes du corps.
Dégagez le terrain le plus rapidement possible. Où en êtes-vous de l’évacuation du matériel ?
Nous avons presque fini. Rachid a déjà emporté tous les disques de la mémoire centrale.
Et les magasins de stockage ?
11 ne reste que des broutilles. Dès le début de l’attaque, j’ai envoyé deux équipes dans les salles 5 et 6 pour récupérer notre stock de pièces de rechange. Nous abandonnons seulement quelques caisses de nourriture, des vêtements et des objets divers, mais là où nous allons, nous n’aurons vraiment aucun besoin...
Sa phrase était demeurée en suspens. Les deux hommes savaient pertinemment que, d’ici trente ou quarante minutes, personne ne pourrait tirer profit des marchandises qu’ils abandonnaient derrière eux.
Parfait. Accélère autant que tu peux l’évacuation et quittez cette pièce le plus vite possible. Maintenant, je dois m’occuper de nos hôtes !
Cheik Yoran traversa la salle d’un pas fatigué et rentra dans la petite pièce où se trouvaient Keifer, Liam ainsi que sa petite fille. Le Saoudien avait le teint cireux.
Il est temps de partir d’ici. Rachid va vous accompagner en lieu sûr, mais je crains que nous soyons obligés de vous bander à nouveau les yeux...
Vous n'avez toujours pas confiance ? demanda Liam avec une moue de regret.
Il n'est nullement question de confiance. Il s’agit simplement d’une mesure de sécurité. La vôtre autant que la nôtre. Vous devriez comprendre...
Yoran surprit le regard intense que Liam adressait à sa petite fille. Il avait déjà remarqué que le jeune homme éprouvait pour sa chère Irbit un penchant plus que prononcé. Il se promit de veiller à les séparer au plus tôt. Le destin d’Irbit était tracé depuis sa naissance, et aucun étranger n'interviendrait pour en changer le cours.
Dépêchez-vous. Rachid vous attend.
Liam attendit que le professeur Keifer les eût rejoints près de la porte. Irbit se tenait à quelques centimètres de lui. Au moment de quitter la pièce, il se tourna vers Yoran.
Où nous amenez-vous maintenant ? Cela au moins vous pouvez nous le dire...
Nous allons rejoindre le noyau de notre complexe.
Liam fut plus que surpris de cette réponse. Il avait cru dès le début que le petit train électrique les avait menés au centre du repaire de Yoran. Le plan d’ensemble accroché dans un mur de la chambre d'Irbit représentait un réseau de galeries, de chambres de toutes tailles et d’entrepôts repartis sur plusieurs niveaux. Le tout était suffisamment imposant pour constituer le centre nerveux du repaire.
Alors, nous nous trouvons où exactement ?
Dans la ceinture extérieure. C’est la moins importante. Ici, rien n’est indispensable à la survie du projet.
Liam mesura l’étendue insoupçonnée du travail accompli par Yoran et ses collaborateurs. Si le reste était tout aussi imposant, le complexe dans son entier était une oeuvre de Titans ! Il avait certainement fallu de nombreuses années et l’acharnement de plusieurs centaines de personnes pour mener à bien cet écheveau souterrain dont les dimensions réelles lui échappaient encore.
Yoran parut deviner son état d'esprit, car il ajouta en le poussant amicalement vers la porte :
- Ne vous en faites pas. En temps voulu, je fournirai les réponses à toutes vos questions. En attendant, partez tranquille. Là où nous allons, ceux qui nous harcèlent n’ont aucune chance de pénétrer jamais. Non, vraiment jamais...
QUATRIEME PARTIE
LA CHARGE DES LOUPS
Au large de Jizan (Arabie), à bord du SSN Severodvinsk
Arkady Voronej tourna vers sa nuque la visière de sa casquette de marin. Il avait vu faire ce geste pour la première fois quand il était encore enseigne à l’école de sous-mariniers de Vladivostock, dans un film américain qui vantait les exploits d'un sous-marin isolé face à la marine japonaise pendant la deuxième guerre mondiale. Dans le film, le commandant du sous-marin tournait toujours sa casquette vers l'arrière avant de regarder dans le périscope. La “propagande' américaine était bien entendu rigoureusement interdite à l'époque mais, comme on disait dans le langage des enseignes, elle était rentrée dans l’enceinte de l'école “par la porte étanche” .
Dans ce temps-là, le Ministère de la Marine soviétique avait tourné des films qui abordaient des exploits de l'Armée Rouge tout aussi héroïques, mais les Américains avaient une façon bien à eux de raconter ce genre d’aventures. Et ses camarades de promotion, comme lui-même, admiraient secrètement la décontraction et les manières de cow-boys des marins U.S.
La mission qui avait été impartie au Severodvinsk touchait à sa fin. En principe, il ne leur restait plus qu’à récupérer la dernière équipe de saboteurs, à moins que le Haut Commandement n'ait décidé d'impliquer le sous-marin dans quelque nouvelle tâche aussi imprécise que la précédente. Les hommes de son équipage, conscients qu’à Moscou un officier inconnu d'Etat-Major se servait du Severodvinsk comme d'un taxi, avaient pris une attitude bourrue et renfermée. Et cela durait déjà depuis plus d’un mois.
Radar, ici pont. Donnez-moi la distance au contact Alpha.
Distance 300 mètres, Commandant.
Très bien, Igor. Gouvernail de profondeur, gardez l’équilibre et stabilisez le navire. Nous n’allons plus tarder à faire surface.
Arkady Voronej fit un tour complet avec le périscope. Les
instruments de détection n'avaient signalé aucune présence indésirable dans les parages, mais cette affaire était malsaine depuis le début. Le radar avait accroché le petit canot pneumatique qui dérivait à trois cent mètres de là. Le contact était très net. Il était isolé au milieu d'une mer assez calme, avec des creux de moins d’un mètre. La visibilité était bonne, car la lune était aux trois quarts. Le ciel était dégagé et le vent presque nul. Les conditions semblaient optimales pour un repêchage tranquille, et le rendez-vous se déroulait à l'heure prévue, sauf qu’ils se trouvaient trop près de la côte et que. par conséquent, le sonar ne donnait qu'un relevé confus de la plateforme continentale. Et Arkady Voronej avait horreur de ça.
Surface. Videz les ballast. Stabilisez l’assiette.
Profondeur zéro. Commandant, lui répondit presque en écho la voix d’Igor Beloreck, son irremplaçable second.
Je monte sur la baignoire. Je te passe la main, Igor.
Arkady, tu ne veux pas que je prenne en charge la récupération du “colis” comme les autres fois ?
Le Commandant fit une négation de la tête. Il avait envie de prendre les jumelles et de scruter la côte pendant que ses hommes amarraient le canot et aidaient les arrivants à gagner le bord.
Ça ira, Igor, merci. Un peu d’air frais me fera du bien.
Le “pacha” grimpa les barreaux de l'échelle conduisant au kiosque. Un sous-marinier venait d'ouvrir l’écoutille et le sol de la plateforme d'accès était glissant. Arkady retroussa les manches de sa chemise en arrivant. En guise d'air frais, la température extérieure avoisinait les trente-cinq degrés, et l'humidité frisait les 80 % ou plus. Un véritable bain turc dont il se serait volontiers passé.
Les hommes du canot avaient sorti les rames. Bientôt, la petite embarcation fut assez près pour qu'un sous-marinier puisse l'accrocher à la gaffe. Une minute plus tard, les deux passagers grimpaient à la coupée.
Permission de monter à bord. Commandant.
Permission accordée, répondit Arkady avec un salut assez mou. Il avait reconnu l'un des deux arrivants. C'était Vania, le chef de l'équipe de quatre hommes qui avait été larguée près des côtes saoudiennes.
Dans le poste de contrôle, l’équipe de service avait commencé à évacuer les lieux en bon ordre et sans la moindre trace de panique.
Yoran s’approcha de l’un de ses gardes du corps.
Dégagez le terrain le plus rapidement possible. Où en êtes-vous de l’évacuation du matériel ?
Nous avons presque fini. Rachid a déjà emporté tous les disques de la mémoire centrale.
Et les magasins de stockage ?
11 ne reste que des broutilles. Dès le début de l’attaque, j’ai envoyé deux équipes dans les salles 5 et 6 pour récupérer notre stock de pièces de rechange. Nous abandonnons seulement quelques caisses de nourriture, des vêtements et des objets divers, mais là où nous allons, nous n’aurons vraiment aucun besoin...
Sa phrase était demeurée en suspens. Les deux hommes savaient pertinemment que, d’ici trente ou quarante minutes, personne ne pourrait tirer profit des marchandises qu’ils abandonnaient derrière eux.
Parfait. Accélère autant que tu peux l’évacuation et quittez cette pièce le plus vite possible. Maintenant, je dois m’occuper de nos hôtes !
Cheik Yoran traversa la salle d’un pas fatigué et rentra dans la petite pièce où se trouvaient Keifer, Liam ainsi que sa petite fille. Le Saoudien avait le teint cireux.
Il est temps de partir d’ici. Rachid va vous accompagner en lieu sûr, mais je crains que nous soyons obligés de vous bander à nouveau les yeux...
Vous n'avez toujours pas confiance ? demanda Liam avec une moue de regret.
Il n'est nullement question de confiance. Il s’agit simplement d’une mesure de sécurité. La vôtre autant que la nôtre. Vous devriez comprendre...
Yoran surprit le regard intense que Liam adressait à sa petite fille. Il avait déjà remarqué que le jeune homme éprouvait pour sa chère Irbit un penchant plus que prononcé. Il se promit de veiller à les séparer au plus tôt. Le destin d’Irbit était tracé depuis sa naissance, et aucun étranger n'interviendrait pour en changer le cours.
Dépêchez-vous. Rachid vous attend.
Liam attendit que le professeur Keifer les eût rejoints près de la porte. Irbit se tenait à quelques centimètres de lui. Au moment de quitter la pièce, il se tourna vers Yoran.
Où nous amenez-vous maintenant ? Cela au moins vous pouvez nous le dire...
Nous allons rejoindre le noyau de notre complexe.
Liam fut plus que surpris de cette réponse. Il avait cru dès le début que le petit train électrique les avait menés au centre du repaire de Yoran. Le plan d’ensemble accroché dans un mur de la chambre d'Irbit représentait un réseau de galeries, de chambres de toutes tailles et d’entrepôts repartis sur plusieurs niveaux. Le tout était suffisamment imposant pour constituer le centre nerveux du repaire.
Alors, nous nous trouvons où exactement ?
Dans la ceinture extérieure. C’est la moins importante. Ici, rien n’est indispensable à la survie du projet.
Liam mesura l’étendue insoupçonnée du travail accompli par Yoran et ses collaborateurs. Si le reste était tout aussi imposant, le complexe dans son entier était une oeuvre de Titans ! Il avait certainement fallu de nombreuses années et l’acharnement de plusieurs centaines de personnes pour mener à bien cet écheveau souterrain dont les dimensions réelles lui échappaient encore.
Yoran parut deviner son état d'esprit, car il ajouta en le poussant amicalement vers la porte :
- Ne vous en faites pas. En temps voulu, je fournirai les réponses à toutes vos questions. En attendant, partez tranquille. Là où nous allons, ceux qui nous harcèlent n’ont aucune chance de pénétrer jamais. Non, vraiment jamais...
QUATRIEME PARTIE
LA CHARGE DES LOUPS
Au large de Jizan (Arabie), à bord du SSN Severodvinsk
Arkady Voronej tourna vers sa nuque la visière de sa casquette de marin. Il avait vu faire ce geste pour la première fois quand il était encore enseigne à l’école de sous-mariniers de Vladivostock, dans un film américain qui vantait les exploits d'un sous-marin isolé face à la marine japonaise pendant la deuxième guerre mondiale. Dans le film, le commandant du sous-marin tournait toujours sa casquette vers l'arrière avant de regarder dans le périscope. La “propagande' américaine était bien entendu rigoureusement interdite à l'époque mais, comme on disait dans le langage des enseignes, elle était rentrée dans l’enceinte de l'école “par la porte étanche” .
Dans ce temps-là, le Ministère de la Marine soviétique avait tourné des films qui abordaient des exploits de l'Armée Rouge tout aussi héroïques, mais les Américains avaient une façon bien à eux de raconter ce genre d’aventures. Et ses camarades de promotion, comme lui-même, admiraient secrètement la décontraction et les manières de cow-boys des marins U.S.
La mission qui avait été impartie au Severodvinsk touchait à sa fin. En principe, il ne leur restait plus qu’à récupérer la dernière équipe de saboteurs, à moins que le Haut Commandement n'ait décidé d'impliquer le sous-marin dans quelque nouvelle tâche aussi imprécise que la précédente. Les hommes de son équipage, conscients qu’à Moscou un officier inconnu d'Etat-Major se servait du Severodvinsk comme d'un taxi, avaient pris une attitude bourrue et renfermée. Et cela durait déjà depuis plus d’un mois.
Radar, ici pont. Donnez-moi la distance au contact Alpha.
Distance 300 mètres, Commandant.
Très bien, Igor. Gouvernail de profondeur, gardez l’équilibre et stabilisez le navire. Nous n’allons plus tarder à faire surface.
Arkady Voronej fit un tour complet avec le périscope. Les
instruments de détection n'avaient signalé aucune présence indésirable dans les parages, mais cette affaire était malsaine depuis le début. Le radar avait accroché le petit canot pneumatique qui dérivait à trois cent mètres de là. Le contact était très net. Il était isolé au milieu d'une mer assez calme, avec des creux de moins d’un mètre. La visibilité était bonne, car la lune était aux trois quarts. Le ciel était dégagé et le vent presque nul. Les conditions semblaient optimales pour un repêchage tranquille, et le rendez-vous se déroulait à l'heure prévue, sauf qu’ils se trouvaient trop près de la côte et que. par conséquent, le sonar ne donnait qu'un relevé confus de la plateforme continentale. Et Arkady Voronej avait horreur de ça.
Surface. Videz les ballast. Stabilisez l’assiette.
Profondeur zéro. Commandant, lui répondit presque en écho la voix d’Igor Beloreck, son irremplaçable second.
Je monte sur la baignoire. Je te passe la main, Igor.
Arkady, tu ne veux pas que je prenne en charge la récupération du “colis” comme les autres fois ?
Le Commandant fit une négation de la tête. Il avait envie de prendre les jumelles et de scruter la côte pendant que ses hommes amarraient le canot et aidaient les arrivants à gagner le bord.
Ça ira, Igor, merci. Un peu d’air frais me fera du bien.
Le “pacha” grimpa les barreaux de l'échelle conduisant au kiosque. Un sous-marinier venait d'ouvrir l’écoutille et le sol de la plateforme d'accès était glissant. Arkady retroussa les manches de sa chemise en arrivant. En guise d'air frais, la température extérieure avoisinait les trente-cinq degrés, et l'humidité frisait les 80 % ou plus. Un véritable bain turc dont il se serait volontiers passé.
Les hommes du canot avaient sorti les rames. Bientôt, la petite embarcation fut assez près pour qu'un sous-marinier puisse l'accrocher à la gaffe. Une minute plus tard, les deux passagers grimpaient à la coupée.
Permission de monter à bord. Commandant.
Permission accordée, répondit Arkady avec un salut assez mou. Il avait reconnu l'un des deux arrivants. C'était Vania, le chef de l'équipe de quatre hommes qui avait été larguée près des côtes saoudiennes.
Extraction de données dans excel - 54
ute sa longueur par de veilleuses minuscules posées à quelques centimètres du sol. Au bout, une porte métallique munie d'un verrou lui barrait le chemin.
Il s’adossa contre elle pour récupérer son souffle et pour étudier la meilleure manière de continuer ses investigations. Un long moment plus tard, un choc violent fit tressaillir le métal de bas en haut. Quelqu'un se trouvait de l'autre côté. Vraisemblablement, celui ou ceux qui étaient arrivés jusque-là n'auraient pas de mal à enfoncer la porte pour emprunter le couloir qu'il venait de traverser. Et, dans la mesure de ses moyens, Tafik avait la ferme intention de les retarder.
Tout en reculant, il tâta ses poches à la recherche d'un quelconque objet. Il n'avait aucune idée préconçue quant à la façon dont il allait s'employer, mais ses années d'errance solitaire avaient fait de lui un maître de l'improvisation. Il décocha un regard circulaire pour embrasser la totalité du passage, réfléchit un instant, puis, ayant trouvé une petite boîte ronde en plastique dans le petit sac qui ne le quittait jamais, il courut jusqu’au premier tournant, le dépassa, et s’accroupit sur le sol à la recherche d’un point solide pouvant lui servir d’ancrage.
Il le trouva juste au moment où le verrou de la porte sautait, accompagné d'un craquement métallique. Maintenant, chaque seconde comptait.
* * *
Youssouf faillit faire feu par réflexe. Il ne contrôla sa réaction qu’à la toute dernière extrémité. Le Libyen toisa cette sorte de gnome qui se dressait face à lui et qui le défiait avec une effronterie frisant l’inconscience. Déformée par les mauvaises conditions d'éclairage, l’ombre du garçon se profilait sur une dizaine de mètres avec quelque chose de menaçant et de dérisoire.
Qui es-tu, petit ?
Tafik laissa le temps s’écouler avant de répondre. L’individu qui se trouvait face à lui était certainement dangereux, car il avait réussi à se faufiler jusqu'à ce passage qui conduisait au centre du complexe, mais il était arrivé seul. Et un homme seul ne lui faisait pas peur. Il n'avait nullement l'intention de lui barrer le chemin. Uniquement de le retarder, le temps de donner l'alerte. Il lui répondit d’un ton narquois, pour le provoquer.
Personne. Et toi, que viens-tu chercher ici ? Tu n’es pas un employé de cheik Yoran, tu es donc venu avec les autres ?
Quels autres ? répliqua Youssouf, amusé par cette rencontre insolite. Il abaissa le canon de son arme.
Tafik décida de le malmener verbalement afin de l’exaspérer.
Les autres ? Ceux qui sont en train de laisser leur peau dans le tunnel. Et je crois que toi aussi, tu as beaucoup de chances d’y laisser la tienne...
Le Libyen fit un pas vers lui, un sourire mauvais au lèvres. Son air d’intellectuel avait disparu, et ses lunettes avaient glissé vers le bout de son nez, ce qui lui donnait l’allure d’un hibou s'apprêtant à fondre vers sa proie. Et dans un certain sens, c'était exactement ce qu'il avait l'intention de faire.
Tafik recula aussi, mais juste assez pour lui faire croire qu'il commençait à regretter son attitude. Il retira les mains de ses poches et se prépara à décamper.
Comme le gamin l'avait prévu, Youssouf s’élança vers lui brusquement. Ses chaussures à semelles de gomme frôlaient à peine le sol poussiéreux et il accéléra le pas, ne doutant pas un instant de sa capacité de rattraper cet enfant.
Tafik savait se déplacer avec une rapidité étonnante. Il tourna les talons et disparut en un clin d’oeil le long du couloir. Une trentaine de mètres plus loin, après le premier détour, il s'arrêta d’un coup, inspira une goulée d’air vicié pour se donner du courage et se retourna. Maintenant, il allait savoir si son piège pouvait fonctionner.
Youssouf parcourut la faible distance qui le séparait du gamin en quelques secondes. Il tourna à droite dans le croisement et son élan se cassa net. Il ne s’attendait visiblement pas à trouver Tafik à moins de trois mètres de lui, solidement calé sur ses courtes jambes et sans la moindre velléité de fuite. Le premier fil de pêche que le garçon avait installé à quinze centimètres de hauteur crocheta son pied gauche et le fit basculer irrémédiablement vers l'avant. Déséquilibré, il s’envola presque à l'horizontale et rencontra le deuxième fil, placé à une hauteur d'un mètre vingt et tendu à l'extrême. Avant de le rompre, la tête de Youssouf glissa sur le fil et son oreille droite fut entaillée aussi net que par une lame de rasoir.
Quand il tomba lourdement sur le sol, Youssouf cria de douleur autant que de rage. Il appliqua une main contre la blessure pour arrêter l'hémorragie et le sang coula aussitôt entre ses doigts jusqu'au plancher couvert de poussière.
Le pistolet muni du silencieux avait suivi le même chemin. Tafik le ramassa et le glissa dans la ficelle qui lui servait de ceinture. Il ne voulut pas achever l'homme tombé à terre qui le regardait avec une incompréhension totale. Avec un haussement d'épaules, le gamin tourna les talons et disparut dans le corridor. Il avait la démarche altière du paladin qui vient de terrasser son
premier dragon.
Youssouf appliqua un mouchoir maculé de cendre contre son oreille. La blessure saignait toujours, mais le débit du sang s’était ralenti considérablement. De sa main libre, il tira avec des gestes malhabiles sa radio de poche et appuya du pouce sur le commutateur.
Jaguar, ici Cobra. Me recevez-vous ?
A l’autre bout du couloir, dans le poste de soins qu’ils avaient installé dans le hangar attenant à la première porte étanche, la voix de son correspondant arriva très nettement jusqu’à lui, si fort qu'il dut baisser le volume.
Ok Cobra. Je vous reçois parfaitement. Alors, vous avez fait bonne chasse ?
La décontraction de la réponse fit penser à Youssouf que celui qui parlait n’avait probablement retrouvé sa superbe qu’en se sachant à plusieurs centaines de mètres de tout danger. Les tempes de Youssouf battaient la chamade et il avait la nausée. Il ne se sentait pas en état de converser.
Qui que tu soies, écoute-moi bien. Tu as compris ? Primo, tu vas appeler notre camp de base et leur demander qu’ils nous envoient tous les hommes disponibles avec tout leur équipement de combat, c'est clair ? Qu'ils rappliquent ici dare-dare. Le terrain est dégagé. Nous pouvons lancer maintenant l'assaut final contre le centre nerveux de Yoran.
“Secundo, dépêche-moi une équipe de tes cloportes pour constituer un point de soutien. Ne craignez rien, la voie est libre désormais !”
Comme le poste resta muet quand il eut fini de donner ses ordres, il appuya à nouveau sur le bouton de commande et demanda d’une voix déformée par la colère :
Alors, tu m’entends, abruti ?
Oui, parfaitement. Nous arrivons tout de suite !
Et n’oubliez pas d’amener une trousse de secours. J'ai été touché à l’oreille.
Le Libyen laissa tomber mollement l’émetteur sur son ventre et retira un instant le mouchoir qu’il tenait toujours contre la blessure. Le sang se remit aussitôt à couler et il cracha un juron en
serrant les dents.
- Où que tu soies, petit, nous nous retrouverons, se dit-il en posant le tampon à sa place.
* * *
Nous avons capté une émission radio sur ondes courtes, Maître. Nous ferions bien de les brouiller.
Allez-y, Farid. Sans radio, ils vont être obligés d’avoir recours à des messagers. Ce sera autant de temps de gagné.
L'opérateur actionna le système de brouillage de communications radio et de dispositifs de support des mesures électroniques. L'organisation de Yoran avait récupéré l’appareillage, fabriqué par la firme Electrospace Systems Inc, de Richardson, au Texas, à bord d’un appareil provenant du Fleet Electronic Warfare Support Group, un Grumman EA-6A Intruder abîmé en mer près des Nouvell
Il s’adossa contre elle pour récupérer son souffle et pour étudier la meilleure manière de continuer ses investigations. Un long moment plus tard, un choc violent fit tressaillir le métal de bas en haut. Quelqu'un se trouvait de l'autre côté. Vraisemblablement, celui ou ceux qui étaient arrivés jusque-là n'auraient pas de mal à enfoncer la porte pour emprunter le couloir qu'il venait de traverser. Et, dans la mesure de ses moyens, Tafik avait la ferme intention de les retarder.
Tout en reculant, il tâta ses poches à la recherche d'un quelconque objet. Il n'avait aucune idée préconçue quant à la façon dont il allait s'employer, mais ses années d'errance solitaire avaient fait de lui un maître de l'improvisation. Il décocha un regard circulaire pour embrasser la totalité du passage, réfléchit un instant, puis, ayant trouvé une petite boîte ronde en plastique dans le petit sac qui ne le quittait jamais, il courut jusqu’au premier tournant, le dépassa, et s’accroupit sur le sol à la recherche d’un point solide pouvant lui servir d’ancrage.
Il le trouva juste au moment où le verrou de la porte sautait, accompagné d'un craquement métallique. Maintenant, chaque seconde comptait.
* * *
Youssouf faillit faire feu par réflexe. Il ne contrôla sa réaction qu’à la toute dernière extrémité. Le Libyen toisa cette sorte de gnome qui se dressait face à lui et qui le défiait avec une effronterie frisant l’inconscience. Déformée par les mauvaises conditions d'éclairage, l’ombre du garçon se profilait sur une dizaine de mètres avec quelque chose de menaçant et de dérisoire.
Qui es-tu, petit ?
Tafik laissa le temps s’écouler avant de répondre. L’individu qui se trouvait face à lui était certainement dangereux, car il avait réussi à se faufiler jusqu'à ce passage qui conduisait au centre du complexe, mais il était arrivé seul. Et un homme seul ne lui faisait pas peur. Il n'avait nullement l'intention de lui barrer le chemin. Uniquement de le retarder, le temps de donner l'alerte. Il lui répondit d’un ton narquois, pour le provoquer.
Personne. Et toi, que viens-tu chercher ici ? Tu n’es pas un employé de cheik Yoran, tu es donc venu avec les autres ?
Quels autres ? répliqua Youssouf, amusé par cette rencontre insolite. Il abaissa le canon de son arme.
Tafik décida de le malmener verbalement afin de l’exaspérer.
Les autres ? Ceux qui sont en train de laisser leur peau dans le tunnel. Et je crois que toi aussi, tu as beaucoup de chances d’y laisser la tienne...
Le Libyen fit un pas vers lui, un sourire mauvais au lèvres. Son air d’intellectuel avait disparu, et ses lunettes avaient glissé vers le bout de son nez, ce qui lui donnait l’allure d’un hibou s'apprêtant à fondre vers sa proie. Et dans un certain sens, c'était exactement ce qu'il avait l'intention de faire.
Tafik recula aussi, mais juste assez pour lui faire croire qu'il commençait à regretter son attitude. Il retira les mains de ses poches et se prépara à décamper.
Comme le gamin l'avait prévu, Youssouf s’élança vers lui brusquement. Ses chaussures à semelles de gomme frôlaient à peine le sol poussiéreux et il accéléra le pas, ne doutant pas un instant de sa capacité de rattraper cet enfant.
Tafik savait se déplacer avec une rapidité étonnante. Il tourna les talons et disparut en un clin d’oeil le long du couloir. Une trentaine de mètres plus loin, après le premier détour, il s'arrêta d’un coup, inspira une goulée d’air vicié pour se donner du courage et se retourna. Maintenant, il allait savoir si son piège pouvait fonctionner.
Youssouf parcourut la faible distance qui le séparait du gamin en quelques secondes. Il tourna à droite dans le croisement et son élan se cassa net. Il ne s’attendait visiblement pas à trouver Tafik à moins de trois mètres de lui, solidement calé sur ses courtes jambes et sans la moindre velléité de fuite. Le premier fil de pêche que le garçon avait installé à quinze centimètres de hauteur crocheta son pied gauche et le fit basculer irrémédiablement vers l'avant. Déséquilibré, il s’envola presque à l'horizontale et rencontra le deuxième fil, placé à une hauteur d'un mètre vingt et tendu à l'extrême. Avant de le rompre, la tête de Youssouf glissa sur le fil et son oreille droite fut entaillée aussi net que par une lame de rasoir.
Quand il tomba lourdement sur le sol, Youssouf cria de douleur autant que de rage. Il appliqua une main contre la blessure pour arrêter l'hémorragie et le sang coula aussitôt entre ses doigts jusqu'au plancher couvert de poussière.
Le pistolet muni du silencieux avait suivi le même chemin. Tafik le ramassa et le glissa dans la ficelle qui lui servait de ceinture. Il ne voulut pas achever l'homme tombé à terre qui le regardait avec une incompréhension totale. Avec un haussement d'épaules, le gamin tourna les talons et disparut dans le corridor. Il avait la démarche altière du paladin qui vient de terrasser son
premier dragon.
Youssouf appliqua un mouchoir maculé de cendre contre son oreille. La blessure saignait toujours, mais le débit du sang s’était ralenti considérablement. De sa main libre, il tira avec des gestes malhabiles sa radio de poche et appuya du pouce sur le commutateur.
Jaguar, ici Cobra. Me recevez-vous ?
A l’autre bout du couloir, dans le poste de soins qu’ils avaient installé dans le hangar attenant à la première porte étanche, la voix de son correspondant arriva très nettement jusqu’à lui, si fort qu'il dut baisser le volume.
Ok Cobra. Je vous reçois parfaitement. Alors, vous avez fait bonne chasse ?
La décontraction de la réponse fit penser à Youssouf que celui qui parlait n’avait probablement retrouvé sa superbe qu’en se sachant à plusieurs centaines de mètres de tout danger. Les tempes de Youssouf battaient la chamade et il avait la nausée. Il ne se sentait pas en état de converser.
Qui que tu soies, écoute-moi bien. Tu as compris ? Primo, tu vas appeler notre camp de base et leur demander qu’ils nous envoient tous les hommes disponibles avec tout leur équipement de combat, c'est clair ? Qu'ils rappliquent ici dare-dare. Le terrain est dégagé. Nous pouvons lancer maintenant l'assaut final contre le centre nerveux de Yoran.
“Secundo, dépêche-moi une équipe de tes cloportes pour constituer un point de soutien. Ne craignez rien, la voie est libre désormais !”
Comme le poste resta muet quand il eut fini de donner ses ordres, il appuya à nouveau sur le bouton de commande et demanda d’une voix déformée par la colère :
Alors, tu m’entends, abruti ?
Oui, parfaitement. Nous arrivons tout de suite !
Et n’oubliez pas d’amener une trousse de secours. J'ai été touché à l’oreille.
Le Libyen laissa tomber mollement l’émetteur sur son ventre et retira un instant le mouchoir qu’il tenait toujours contre la blessure. Le sang se remit aussitôt à couler et il cracha un juron en
serrant les dents.
- Où que tu soies, petit, nous nous retrouverons, se dit-il en posant le tampon à sa place.
* * *
Nous avons capté une émission radio sur ondes courtes, Maître. Nous ferions bien de les brouiller.
Allez-y, Farid. Sans radio, ils vont être obligés d’avoir recours à des messagers. Ce sera autant de temps de gagné.
L'opérateur actionna le système de brouillage de communications radio et de dispositifs de support des mesures électroniques. L'organisation de Yoran avait récupéré l’appareillage, fabriqué par la firme Electrospace Systems Inc, de Richardson, au Texas, à bord d’un appareil provenant du Fleet Electronic Warfare Support Group, un Grumman EA-6A Intruder abîmé en mer près des Nouvell
Extraction de données dans excel - 53
Le cylindre horizontal conservait son aspect uniforme, mais le silence et la fraîcheur qui y régnaient conféraient à l’endroit une atmosphère lourde et inquiétante.
L'équipe qui avançait sur la gauche, et qui se trouvait légèrement en avance par rapport à celle qui marchait de l’autre côté, arriva en vue du miroir géant. La lampe du mercenaire qui suivait l'homme de tête parcourut la ligne régulière du sol et éclaira la surface polie de l’obstacle. Elle en épousa le tracé du haut en bas. Le miroir scintillait de toutes parts, comme si la lumière de la lampe l’avait éveillé de son sommeil dans l’obscurité.
Youssouf sortit sa propre lampe d'une de ses poches et la braqua sur le tunnel, examinant chaque centimètre carré à la recherche d’un piège éventuel. Quand il jugea qu’il avait enregistré un maximum d’informations, il ordonna à ses hommes de se retirer dans la vaste salle située après la première porte étanche.
D’un pas lourd, comme un automate, il s’y dirigea lui aussi en longeant le mur. Son corps tout entier fonctionnait au ralenti, mais répondait néanmoins à ses injonctions comme s’il avait compris d’instinct que, là-bas, plus loin, se trouvait le seul salut concevable.
Les survivants se regroupèrent dans la pièce immaculée, et Youssouf procéda aussitôt au décompte des forces. L’expression qu’il lut dans la dizaine de visages hagards qui le fixaient ne laissait aucun doute quant à leur combativité émoussée. Ali marchait rageusement de long en large, marmonnant de façon inintelligible.
Nous ne pouvons pas continuer ainsi. Nous courons droit au désastre ! dit Youssouf en se laissant aller contre le mur.
Ali se tourna vers son supérieur en levant un sourcil moqueur.
Tu as peur ? Je te croyais mieux trempé !
Regarde nos hommes ! Essaye de les convaincre de retourner dans cet enfer ! rétorqua Youssouf en luttant contre la panique qui lui nouait les entrailles. Bien sûr que j'ai peur, mais je n’ai pas l’intention de laisser tomber pour autant. Pas maintenant.
Ali coupa ses récriminations d’un geste autoritaire. Sa voix avait une pointe de défi quand il répliqua :
Alors, nous allons appeler des renforts au campement et prendre la tête de l’expédition tous les deux. Seuls ! A moins que toi...
Youssouf se releva péniblement, les joues empourprées, mais l'ardeur de ses yeux ne laissait aucun doute quant à ses intentions. Sa décision était prise depuis longtemps. Il n’abandonnerait jamais. Surtout pas après ce que Yoran venait de leur faire endurer. Dans son coeur, il ne restait de la place que pour la vengeance.
Je suis d’accord. Nous ouvrirons le chemin.
Puis, comme s'il se rendait compte subitement de l'état dans lequel se trouvait le nervis de l'Ayatollah, il se hâta d’ajouter : “Fais-toi d’abord changer ton pansement et appliquer une compresse avec une bonne dose de baume analgésique. Sinon, tu ne tiendras jamais...
Médusé par cette soudaine sollicitude. Ali haussa les épaules et s'en alla sans un mot. Une conclusion s'imposait : Youssouf, avec cet air qui ne le quittait jamais d’intellectuel arraché à ses livres par un destin farceur, avait une idée très précise derrière la tête. L’essentiel c'était de trouver laquelle...
% ^ ^
Quand que son wagonnet fut arrivé au centre du contrôle du complexe souterrain de Yoran, le petit Tafik avait guetté le moment le plus propice pour fausser compagnie aux gardes de l’escorte. Personne ne faisait d’ailleurs vraiment attention à lui. Il n'avait pas bougé d'un pouce durant tout le trajet, se contentant de ruminer ses pensés tout en cherchant le meilleur moyen de devenir invisible. Il le trouva juste après le passage du premier poste de surveillance.
Le poste était installé dans une pièce minuscule au plafond très bas. Trois des quatre côtés étaient occupés par une batterie de consoles munies d’écrans et de claviers. Au fond, une porte communiquait avec le reste du complexe. Tafik, profitant de l'attroupement momentané qui s’était formé à l'entrée, accéléra le pas et franchit le seuil sans se retourner. 11 se mouvait dans cette ambiance encore inconnue avec l'aisance d'un familier des situations paradoxales. Habitué à se glisser dans la jungle particulièrement féroce des camps de réfugiés de son Kurdistan natal, la politesse silencieuse des gardes représentait une aubaine dont il comptait bien tirer bénéfice.
Une fois la porte franchie, un couloir assez large suivi d'une volée de marches conduisait aux entrailles de l'installation souterraine. Tafik suivit ce chemin jusqu'au premier carrefour qui croisa sa route. Faute de repaires, il décida de prendre la voie la plus étroite, car il déduisit que ce chemin avait de fortes chances d'être un peu moins fréquenté.
Les minutes suivantes, puis les heures, corroborèrent son choix. Il ne rencontra personne et. décidé à explorer ce dédale de galeries souterraines, il se fia à son instinct, évitant soigneusement les salles communes ou les ateliers.
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Youssouf soulagea la pression que l'élastique qui maintenait ses lunettes exerçait sur son nez. L’arête en était devenue douloureuse. Après avoir fait exploser le miroir avec une charge, il avait parcouru la distance les séparant de la troisième porte étanche l’esprit perdu dans le perfectionnement de son projet, qui prenait maintenant sa forme définitive. Ali le tira de sa rêverie d'une voix où perçait quelque inquiétude.
- Nous arrivons. Youssouf.
Les yeux du Libyen, habitués à l’obscurité, se levèrent vers le visage de son subordonné. 11 remarqua alors qu’il avait un profil régulier, et ses narines frémissaient d'impatience. “Dommage ! Il est jeune, presque beau, courageux et déterminé... Malheureusement, je dois le sacrifier !”
En arrivant au tournant qui précédait la section du corridor conduisant à la dernière porte étanche. Youssouf, qui s’était laissé distancer insensiblement, se plaqua contre le mur opposé. Quand ce fut fait, il scruta les ténèbres à la recherche du renfoncement qu’il avait découvert plusieurs heures plus tôt en étudiant attentivement le plan de la galerie. Le renfoncement était bien là, à sept ou huit mètres sur sa droite. Il s’y glissa sans qu'Ali s’en aperçoive, s’accroupit contre le montant de la porte en métal et sortit de son sac à dos le pied-de-biche qu’il avait emportée.
Il n’eut aucune difficulté à forcer la serrure ni à tourner le loquet. Un couloir sombre s’enfonçait droit devant lui, dans l’axe du tracé du tunnel qu’il venait de quitter. Il s’agissait sans doute d’une galerie de service peu fréquentée. De minuscules veilleuses placées à intervalles réguliers permettaient d’emprunter ce chemin sans avoir recours à une source supplémentaire de lumière.
Youssouf se doutait que, au vu de la sophistication technologique des installations, des capteurs de chaleur ou de tout autre nature avaient déjà détecté sa présence. Le temps dont il disposait pour accomplir sa tâche lui était compté.
Le pistolet muni de son silencieux au poing, il parcourut une centaine de mètres avant d'arriver au premier tournant. 11 avançait prudemment, prêt à faire feu, et hasarda un timide regard de l’autre côté. L’étonnement lui fit relever le canon de son arme de quelques pouces vers le haut. Il relâcha un peu la pression de son doigt sur la détente et sourit avec dédain, amusé, en constatant le caractère ridicule de l’obstacle qui lui barrait le chemin.
* * *
Les bruits provenant du corridor principal arrivaient jusqu’à Tafik amortis par l'épaisseur de la roche. Guidé par le son, il accéléra le pas et s’engagea dans un couloir qui semblait se rapprocher. Après une course d’une dizaine de minutes, il atteignit une sorte d’étroit boyau éclairé sur to
L'équipe qui avançait sur la gauche, et qui se trouvait légèrement en avance par rapport à celle qui marchait de l’autre côté, arriva en vue du miroir géant. La lampe du mercenaire qui suivait l'homme de tête parcourut la ligne régulière du sol et éclaira la surface polie de l’obstacle. Elle en épousa le tracé du haut en bas. Le miroir scintillait de toutes parts, comme si la lumière de la lampe l’avait éveillé de son sommeil dans l’obscurité.
Youssouf sortit sa propre lampe d'une de ses poches et la braqua sur le tunnel, examinant chaque centimètre carré à la recherche d’un piège éventuel. Quand il jugea qu’il avait enregistré un maximum d’informations, il ordonna à ses hommes de se retirer dans la vaste salle située après la première porte étanche.
D’un pas lourd, comme un automate, il s’y dirigea lui aussi en longeant le mur. Son corps tout entier fonctionnait au ralenti, mais répondait néanmoins à ses injonctions comme s’il avait compris d’instinct que, là-bas, plus loin, se trouvait le seul salut concevable.
Les survivants se regroupèrent dans la pièce immaculée, et Youssouf procéda aussitôt au décompte des forces. L’expression qu’il lut dans la dizaine de visages hagards qui le fixaient ne laissait aucun doute quant à leur combativité émoussée. Ali marchait rageusement de long en large, marmonnant de façon inintelligible.
Nous ne pouvons pas continuer ainsi. Nous courons droit au désastre ! dit Youssouf en se laissant aller contre le mur.
Ali se tourna vers son supérieur en levant un sourcil moqueur.
Tu as peur ? Je te croyais mieux trempé !
Regarde nos hommes ! Essaye de les convaincre de retourner dans cet enfer ! rétorqua Youssouf en luttant contre la panique qui lui nouait les entrailles. Bien sûr que j'ai peur, mais je n’ai pas l’intention de laisser tomber pour autant. Pas maintenant.
Ali coupa ses récriminations d’un geste autoritaire. Sa voix avait une pointe de défi quand il répliqua :
Alors, nous allons appeler des renforts au campement et prendre la tête de l’expédition tous les deux. Seuls ! A moins que toi...
Youssouf se releva péniblement, les joues empourprées, mais l'ardeur de ses yeux ne laissait aucun doute quant à ses intentions. Sa décision était prise depuis longtemps. Il n’abandonnerait jamais. Surtout pas après ce que Yoran venait de leur faire endurer. Dans son coeur, il ne restait de la place que pour la vengeance.
Je suis d’accord. Nous ouvrirons le chemin.
Puis, comme s'il se rendait compte subitement de l'état dans lequel se trouvait le nervis de l'Ayatollah, il se hâta d’ajouter : “Fais-toi d’abord changer ton pansement et appliquer une compresse avec une bonne dose de baume analgésique. Sinon, tu ne tiendras jamais...
Médusé par cette soudaine sollicitude. Ali haussa les épaules et s'en alla sans un mot. Une conclusion s'imposait : Youssouf, avec cet air qui ne le quittait jamais d’intellectuel arraché à ses livres par un destin farceur, avait une idée très précise derrière la tête. L’essentiel c'était de trouver laquelle...
% ^ ^
Quand que son wagonnet fut arrivé au centre du contrôle du complexe souterrain de Yoran, le petit Tafik avait guetté le moment le plus propice pour fausser compagnie aux gardes de l’escorte. Personne ne faisait d’ailleurs vraiment attention à lui. Il n'avait pas bougé d'un pouce durant tout le trajet, se contentant de ruminer ses pensés tout en cherchant le meilleur moyen de devenir invisible. Il le trouva juste après le passage du premier poste de surveillance.
Le poste était installé dans une pièce minuscule au plafond très bas. Trois des quatre côtés étaient occupés par une batterie de consoles munies d’écrans et de claviers. Au fond, une porte communiquait avec le reste du complexe. Tafik, profitant de l'attroupement momentané qui s’était formé à l'entrée, accéléra le pas et franchit le seuil sans se retourner. 11 se mouvait dans cette ambiance encore inconnue avec l'aisance d'un familier des situations paradoxales. Habitué à se glisser dans la jungle particulièrement féroce des camps de réfugiés de son Kurdistan natal, la politesse silencieuse des gardes représentait une aubaine dont il comptait bien tirer bénéfice.
Une fois la porte franchie, un couloir assez large suivi d'une volée de marches conduisait aux entrailles de l'installation souterraine. Tafik suivit ce chemin jusqu'au premier carrefour qui croisa sa route. Faute de repaires, il décida de prendre la voie la plus étroite, car il déduisit que ce chemin avait de fortes chances d'être un peu moins fréquenté.
Les minutes suivantes, puis les heures, corroborèrent son choix. Il ne rencontra personne et. décidé à explorer ce dédale de galeries souterraines, il se fia à son instinct, évitant soigneusement les salles communes ou les ateliers.
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Youssouf soulagea la pression que l'élastique qui maintenait ses lunettes exerçait sur son nez. L’arête en était devenue douloureuse. Après avoir fait exploser le miroir avec une charge, il avait parcouru la distance les séparant de la troisième porte étanche l’esprit perdu dans le perfectionnement de son projet, qui prenait maintenant sa forme définitive. Ali le tira de sa rêverie d'une voix où perçait quelque inquiétude.
- Nous arrivons. Youssouf.
Les yeux du Libyen, habitués à l’obscurité, se levèrent vers le visage de son subordonné. 11 remarqua alors qu’il avait un profil régulier, et ses narines frémissaient d'impatience. “Dommage ! Il est jeune, presque beau, courageux et déterminé... Malheureusement, je dois le sacrifier !”
En arrivant au tournant qui précédait la section du corridor conduisant à la dernière porte étanche. Youssouf, qui s’était laissé distancer insensiblement, se plaqua contre le mur opposé. Quand ce fut fait, il scruta les ténèbres à la recherche du renfoncement qu’il avait découvert plusieurs heures plus tôt en étudiant attentivement le plan de la galerie. Le renfoncement était bien là, à sept ou huit mètres sur sa droite. Il s’y glissa sans qu'Ali s’en aperçoive, s’accroupit contre le montant de la porte en métal et sortit de son sac à dos le pied-de-biche qu’il avait emportée.
Il n’eut aucune difficulté à forcer la serrure ni à tourner le loquet. Un couloir sombre s’enfonçait droit devant lui, dans l’axe du tracé du tunnel qu’il venait de quitter. Il s’agissait sans doute d’une galerie de service peu fréquentée. De minuscules veilleuses placées à intervalles réguliers permettaient d’emprunter ce chemin sans avoir recours à une source supplémentaire de lumière.
Youssouf se doutait que, au vu de la sophistication technologique des installations, des capteurs de chaleur ou de tout autre nature avaient déjà détecté sa présence. Le temps dont il disposait pour accomplir sa tâche lui était compté.
Le pistolet muni de son silencieux au poing, il parcourut une centaine de mètres avant d'arriver au premier tournant. 11 avançait prudemment, prêt à faire feu, et hasarda un timide regard de l’autre côté. L’étonnement lui fit relever le canon de son arme de quelques pouces vers le haut. Il relâcha un peu la pression de son doigt sur la détente et sourit avec dédain, amusé, en constatant le caractère ridicule de l’obstacle qui lui barrait le chemin.
* * *
Les bruits provenant du corridor principal arrivaient jusqu’à Tafik amortis par l'épaisseur de la roche. Guidé par le son, il accéléra le pas et s’engagea dans un couloir qui semblait se rapprocher. Après une course d’une dizaine de minutes, il atteignit une sorte d’étroit boyau éclairé sur to
Extraction de données dans excel - 52
r d’Ahmosé; vous n’étiez pas les premiers. D’après le peu que je sais, les joyaux et les gemmes qu’il a prélevés lui ont servi uniquement à financer ses recherches.
Quand elle soupira avant de poursuivre, Liam eut l’impression qu’elle fléchissait.
Voulez-vous connaître le Message que mon père m'avait chargée de livrer ? Parfait, mais il est dénué de sens. Mon grand- père l’a voulu ainsi pour des raisons de sécurité.
Irbit se redressa, le menton levé, et Liam l’encouragea à poursuivre avec un regard d'apaisement.
Le Message dit : "Si l’on me laissait choisir librement - volontiers je choisirais une petite place au coeur du Paradis - mieux encore, devant sa porte
Le professeur Keifer. qui avait suivi l’entretien sans oser intervenir, était stupéfait.
Une comptine d'enfant ! Le Message n'est qu'une chanson que les femmes arabes chantent au berceau des bébés !
Oui, il s’agit peut-être d'une comptine ou de simples vers mais, logiquement, les paroles doivent être codées.
Le visage de Keifer s’éclaira quand il reprit au vol l'argumentation de son assistant.
Il s’agit certainement d’un code, mon cher Liam, mais d'un code dont Yoran l'Ancien est le seul à détenir la clé !
La résolution des assaillants s’émoussait à mesure qu'ils s'enfonçaient dans le long couloir qui menait au centre logistique du complexe. D’après le diagramme mural que Youssouf avait trouvé dans un poste de contrôle abandonné, 680 mètres les séparaient encore de leur objectif. Et, avant de l'atteindre, ils devraient franchir à l’explosif deux nouvelles portes étanches qui présenteraient vraisemblablement autant de difficultés que les précédentes.
Ali avait repris la tête de l’expédition avec un bandage sommaire autour du thorax. De plus en plus taciturne, ses ordres se réduisaient maintenant à quelques grognements secs ou à des monosyllabes.
Le tracé du tunnel serpentait sans raison apparente. 11 montait ou descendait selon le cheminement tortueux de la strate dans laquelle il avait été creusé mais, d'après la boussole, il revenait toujours à l’orientation sud-ouest, c'est à dire en direction de la mer. Après plusieurs vérifications, Youssouf acquit la conviction que la tanière de Yoran se trouvait assez près de la falaise qui surplombait la mer. Et ça, c'était un renseignement de première importance, parce que le vieil homme ne prenait aucune décision avant d’avoir soigneusement pesé les avantages ou les inconvénients qui pouvaient en découler.
Afin de ne pas s’exposer inutilement, Youssouf avait pris position à une vingtaine de mètres de l’éclaireur de tête, qu'Ali était obligé de remplacer fréquemment. La silhouette de celui qui ouvrait le chemin à présent se profilait distinctement à la lumière de sa torche. 11 était assez jeune, en tout cas pas plus de vingt ans, et son corps long et mince avait l’élégance et la grâce presque féminines des coureurs de fond. Mais il savait manifestement qu’il allait mourir. Ses yeux le disaient. Et dans les minutes qui précédèrent le moment de l’épreuve, Youssouf le vit lutter contre la peur irraisonnée de l'inconnu qui amoindrissait ses réflexes.
Au poste de contrôle de Yoran. à l'autre bout du tunnel, Farid avait les yeux rivés sur son écran.
Sur un ordre du maître des lieux, l’opérateur ferma le logiciel de surveillance de son ordinateur et rentra les données du programme ESTEC.
Ce nom barbare venait des initiales du Centre Européen de Recherche et de Technologie Spatiales, installé aux Pays-Bas dans la ville de Noordwijk. Les hommes de Yoran avaient mis la main sur les travaux particulièrement avancés du professeur Walter Shickle, l'ingénieur responsable du projet, qu'ils avaient adapté en modifiant la source énergétique de base. Dans le projet européen, cette source captait le rayonnement solaire par le biais d’un immense miroir de 7.2 mètres de diamètre constitué de 121 éléments hexagonaux montés en nid d’abeille.
Farid sélectionna une partie déterminée du couloir et mit en service un système de pompe à haute dépression qui créa un vide poussé équivalent à celui qui règne à 100 km au-dessus de la Terre. Il régla le vide jusqu’à 3 X 10-7 millibars.
La procédure suivante était déjà programmée dans l’ordinateur, et Farid se contenta donc de contrôler son déroulement. Des pompes turbo-moléculaires se mirent à extraire les molécules d'air au moyen de turbines à haute vitesse, tandis qu’une pompe cryotechnique alimentée par un réservoir refroidi à - 269°C par de l'hélium liquide poussa le vide déjà obtenu en liquéfiant instantanément les molécules d'air entrant en contact avec ses surfaces.
Le résultat ne se fit pas attendre.
* * *
La moitié du groupe d'assaut venait de s'engager dans une partie du couloir en forme de cylindre horizontal. Le reste des
assaillants suivait à distance prudente. Avec un chuintement, une forme-écluse épaisse de 50 centimètres jaillit du plafond et s'imbriqua parfaitement dans le plancher du couloir, coupant à l’avant-garde toute possibilité de retraite. Dans l'obscurité atténuée par endroits par la lumière des lampes portables, les parois du corridor se mirent alors à bourdonner avec un bruit étouffé.
Comme la dizaine de camarades qui le suivait de près, le pied droit de F éclaireur se posa pour la dernière fois sur le sol caoutchouteux. Dans le vide poussé, un miroir situé dans l'extrémité opposée du couloir réfléchit un faisceau de lumière intense fourni par une batterie de 19 lampes au xénon. Il atteint bientôt la puissance de 1.360 watts par mètre carré. Les variations de température devinrent ensuite de plus en plus extrêmes, allant de -200°C à +100°C en raison du bombardement par rayonnement infrarouge. Le cylindre horizontal se transforma alors en une sorte de solarium géant ou de glacière colossale.
Le jeune homme agita les bras pour conserver l'équilibre, la main droite crispée sur sa lampe qui dessinait en l'air un ballet dérisoire. Sa gorge semblait avoir pris la consistance du marbre. Il tomba à genoux, prostré, tremblant de tous ses membres, ses yeux remplis d'une terreur démesurée. La brûlure qu’il sentit dans les poumons lui arracha enfin un cri libérateur qui mourut dans un gargouillis grave.
De l’autre côté de la forme-écluse, personne ne se berça d’illusion quant au sort de leurs camarades. Les premiers moments de stupeur passés, Youssouf, partagé entre l'hésitation et la rage, eut le plus grand mal à rétablir un semblant de calme. Il fut même obligé de menacer avec son arme plusieurs de ses hommes qui détalaient vers la sortie du tunnel.
- Regardez, Cheik Yoran ! Les survivants essayent de se
sauver !
- Modérez votre enthousiasme. Farid. J’en ai compté encore onze, mais leur nombre n’a pas d’importance. Ils peuvent appeler des renforts à tout moment. Nous devons gagner du temps pour terminer l'évacuation de cette partie du complexe. Chaque mètre qu’ils avancent les rapproche autant de notre dernière ligne de défense, répondit Yoran en le regardant avec une expression désabusée, comme absente.
% ^ ^
L’artificier d'Ali n’eut aucune difficulté à faire sauter l’ancrage de la forme-écluse. Le système de verrouillage était le même partout, ce qui facilitait sa tâche. En franchissant la porte après l’explosion, la dizaine de rescapés se déploya des deux côtés du tunnel, précédés par un mercenaire désigné au hasard et dont la mission consistait à explorer la portion du mur et du sol qui se trouvait près de lui. Un deuxième homme éclairait le corridor loin devant avec une lampe de forte puissance.
Au bout d'une heure de progression extrêmement lente, ils n’avaient parcouru qu’un peu plus de deux cent mètres sans rencontrer d’obstacle digne de ce nom.
Quand elle soupira avant de poursuivre, Liam eut l’impression qu’elle fléchissait.
Voulez-vous connaître le Message que mon père m'avait chargée de livrer ? Parfait, mais il est dénué de sens. Mon grand- père l’a voulu ainsi pour des raisons de sécurité.
Irbit se redressa, le menton levé, et Liam l’encouragea à poursuivre avec un regard d'apaisement.
Le Message dit : "Si l’on me laissait choisir librement - volontiers je choisirais une petite place au coeur du Paradis - mieux encore, devant sa porte
Le professeur Keifer. qui avait suivi l’entretien sans oser intervenir, était stupéfait.
Une comptine d'enfant ! Le Message n'est qu'une chanson que les femmes arabes chantent au berceau des bébés !
Oui, il s’agit peut-être d'une comptine ou de simples vers mais, logiquement, les paroles doivent être codées.
Le visage de Keifer s’éclaira quand il reprit au vol l'argumentation de son assistant.
Il s’agit certainement d’un code, mon cher Liam, mais d'un code dont Yoran l'Ancien est le seul à détenir la clé !
La résolution des assaillants s’émoussait à mesure qu'ils s'enfonçaient dans le long couloir qui menait au centre logistique du complexe. D’après le diagramme mural que Youssouf avait trouvé dans un poste de contrôle abandonné, 680 mètres les séparaient encore de leur objectif. Et, avant de l'atteindre, ils devraient franchir à l’explosif deux nouvelles portes étanches qui présenteraient vraisemblablement autant de difficultés que les précédentes.
Ali avait repris la tête de l’expédition avec un bandage sommaire autour du thorax. De plus en plus taciturne, ses ordres se réduisaient maintenant à quelques grognements secs ou à des monosyllabes.
Le tracé du tunnel serpentait sans raison apparente. 11 montait ou descendait selon le cheminement tortueux de la strate dans laquelle il avait été creusé mais, d'après la boussole, il revenait toujours à l’orientation sud-ouest, c'est à dire en direction de la mer. Après plusieurs vérifications, Youssouf acquit la conviction que la tanière de Yoran se trouvait assez près de la falaise qui surplombait la mer. Et ça, c'était un renseignement de première importance, parce que le vieil homme ne prenait aucune décision avant d’avoir soigneusement pesé les avantages ou les inconvénients qui pouvaient en découler.
Afin de ne pas s’exposer inutilement, Youssouf avait pris position à une vingtaine de mètres de l’éclaireur de tête, qu'Ali était obligé de remplacer fréquemment. La silhouette de celui qui ouvrait le chemin à présent se profilait distinctement à la lumière de sa torche. 11 était assez jeune, en tout cas pas plus de vingt ans, et son corps long et mince avait l’élégance et la grâce presque féminines des coureurs de fond. Mais il savait manifestement qu’il allait mourir. Ses yeux le disaient. Et dans les minutes qui précédèrent le moment de l’épreuve, Youssouf le vit lutter contre la peur irraisonnée de l'inconnu qui amoindrissait ses réflexes.
Au poste de contrôle de Yoran. à l'autre bout du tunnel, Farid avait les yeux rivés sur son écran.
Sur un ordre du maître des lieux, l’opérateur ferma le logiciel de surveillance de son ordinateur et rentra les données du programme ESTEC.
Ce nom barbare venait des initiales du Centre Européen de Recherche et de Technologie Spatiales, installé aux Pays-Bas dans la ville de Noordwijk. Les hommes de Yoran avaient mis la main sur les travaux particulièrement avancés du professeur Walter Shickle, l'ingénieur responsable du projet, qu'ils avaient adapté en modifiant la source énergétique de base. Dans le projet européen, cette source captait le rayonnement solaire par le biais d’un immense miroir de 7.2 mètres de diamètre constitué de 121 éléments hexagonaux montés en nid d’abeille.
Farid sélectionna une partie déterminée du couloir et mit en service un système de pompe à haute dépression qui créa un vide poussé équivalent à celui qui règne à 100 km au-dessus de la Terre. Il régla le vide jusqu’à 3 X 10-7 millibars.
La procédure suivante était déjà programmée dans l’ordinateur, et Farid se contenta donc de contrôler son déroulement. Des pompes turbo-moléculaires se mirent à extraire les molécules d'air au moyen de turbines à haute vitesse, tandis qu’une pompe cryotechnique alimentée par un réservoir refroidi à - 269°C par de l'hélium liquide poussa le vide déjà obtenu en liquéfiant instantanément les molécules d'air entrant en contact avec ses surfaces.
Le résultat ne se fit pas attendre.
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La moitié du groupe d'assaut venait de s'engager dans une partie du couloir en forme de cylindre horizontal. Le reste des
assaillants suivait à distance prudente. Avec un chuintement, une forme-écluse épaisse de 50 centimètres jaillit du plafond et s'imbriqua parfaitement dans le plancher du couloir, coupant à l’avant-garde toute possibilité de retraite. Dans l'obscurité atténuée par endroits par la lumière des lampes portables, les parois du corridor se mirent alors à bourdonner avec un bruit étouffé.
Comme la dizaine de camarades qui le suivait de près, le pied droit de F éclaireur se posa pour la dernière fois sur le sol caoutchouteux. Dans le vide poussé, un miroir situé dans l'extrémité opposée du couloir réfléchit un faisceau de lumière intense fourni par une batterie de 19 lampes au xénon. Il atteint bientôt la puissance de 1.360 watts par mètre carré. Les variations de température devinrent ensuite de plus en plus extrêmes, allant de -200°C à +100°C en raison du bombardement par rayonnement infrarouge. Le cylindre horizontal se transforma alors en une sorte de solarium géant ou de glacière colossale.
Le jeune homme agita les bras pour conserver l'équilibre, la main droite crispée sur sa lampe qui dessinait en l'air un ballet dérisoire. Sa gorge semblait avoir pris la consistance du marbre. Il tomba à genoux, prostré, tremblant de tous ses membres, ses yeux remplis d'une terreur démesurée. La brûlure qu’il sentit dans les poumons lui arracha enfin un cri libérateur qui mourut dans un gargouillis grave.
De l’autre côté de la forme-écluse, personne ne se berça d’illusion quant au sort de leurs camarades. Les premiers moments de stupeur passés, Youssouf, partagé entre l'hésitation et la rage, eut le plus grand mal à rétablir un semblant de calme. Il fut même obligé de menacer avec son arme plusieurs de ses hommes qui détalaient vers la sortie du tunnel.
- Regardez, Cheik Yoran ! Les survivants essayent de se
sauver !
- Modérez votre enthousiasme. Farid. J’en ai compté encore onze, mais leur nombre n’a pas d’importance. Ils peuvent appeler des renforts à tout moment. Nous devons gagner du temps pour terminer l'évacuation de cette partie du complexe. Chaque mètre qu’ils avancent les rapproche autant de notre dernière ligne de défense, répondit Yoran en le regardant avec une expression désabusée, comme absente.
% ^ ^
L’artificier d'Ali n’eut aucune difficulté à faire sauter l’ancrage de la forme-écluse. Le système de verrouillage était le même partout, ce qui facilitait sa tâche. En franchissant la porte après l’explosion, la dizaine de rescapés se déploya des deux côtés du tunnel, précédés par un mercenaire désigné au hasard et dont la mission consistait à explorer la portion du mur et du sol qui se trouvait près de lui. Un deuxième homme éclairait le corridor loin devant avec une lampe de forte puissance.
Au bout d'une heure de progression extrêmement lente, ils n’avaient parcouru qu’un peu plus de deux cent mètres sans rencontrer d’obstacle digne de ce nom.
Extraction de données dans excel - 51
r. La main droite crispée sur le manche de sa lampe, il compta mentalement jusqu’à cinq et bondit vers l’avant dans un dernier effort pour éloigner ses hommes du véhicule piégé.
Il eut juste le temps de se rouler en boule sur le sol. Le souffle de l’explosion le secoua violemment tandis qu’une écharde de métal chauffée à blanc laboura son flanc à la hauteur du sein. Ali déglutit péniblement pour dégager ses tympans malmenés et secoua la tête d’un geste violent, presque enragé, comme s’il voulait se débarrasser de la douleur par la seule force de sa volonté.
Youssouf. qui était resté près de la porte blindée, évalua la situation avant de se décider à bouger. Il y avait certainement eu des blessés, mais leur objectif principal n'était pas compromis pour autant. D'ailleurs, si le besoin s’en faisait sentir, il pouvait appeler des renforts pour remplacer les éclopés. Le plus urgent était de remettre un peu d’ordre dans les esprits et de réagir avec célérité.
Il avait été témoin du geste courageux d'Ali. Malgré son antagonisme, il fut soulagé de conclure que l’Ayatollah ne l'avait pas choisi au hasard. Au milieu de la pagaille générale, il avait été le seul à se comporter avec sang-froid.
Hébétés et hagards, les hommes se tenaient serrés les uns contre les autres. Youssouf les regarda avec curiosité, son coeur battant sans doute aussi vite que le leur. Il prit alors conscience de sa propre peur. Inspirant profondément pour lutter contre l'angoisse qui le glaçait, il composa soigneusement son visage pour ne pas révéler ses émotions. L’obstination se lisait dans ses
yeux.
- Le danger est écarté, assura-t-il à ses hommes en marchant vers eux. Mettez les blessés sur le côté. Les autres, venez avec moi.
Puis, comme le sursaut qu’il espérait provoquer tardait à venir, il ajouta d’un ton partagé entre le mépris et la menace : "Allons, réveillez-vous ! Vous ne voulez pas vous venger ?”
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Les membres de l'équipe de garde étaient tournés vers l’écran qui transmettait ces faits. Ils avaient connu un moment encourageant quand le buggy avait explosé, mais l’espoir motivé par les premières images était vite retombé. Autour du Saoudien, les visages étaient soudain devenus graves. Il surprit même dans son entourage certaines réactions de nervosité.
J’ai compté quatre blessés légers, annonça Farid d'une voix atone. Les intrus sont encore au nombre de vingt-et-un.
Beaucoup trop nombreux... rétorqua Yoran avec un froncement des sourcils.
La chambre d'Irbit se trouvait au bout d’un long couloir dont les murs étaient recouverts d’un matériau synthétique blanc qui réfléchissait sur le sol une lumière opalescente. La pièce était isolée du reste du complexe souterrain. Comme dans les autres, l’ameublement y était suscint. Une commode aux lignes épurées était la seule entorse à l'austérité qui régnait dans les lieux.
Le professeur Keifer et Liam remarquèrent avec surprise que la jeune fille était habillée à l’occidentale. Elle portait un simple jean et un pull gris en cachemire au col roulé qui soulignait les formes de son corps gracieux. Retenues en hauteur par une broche en écaille, les boucles de sa chevelure aile de corbeau retombaient sur ses épaules. Elles épousaient avec un léger décalage l'humeur de ses gestes, en les amplifiant. Ce mouvement
avait en soi quelque chose de jeune et de vulnérable.
Liam hésita un moment, pris de court par ce changement auquel il n'était pas préparé. L'attitude d'irbit lui apprit qu’elle n’était pas particulièrement heureuse de les recevoir.
Votre grand-père nous a prié de vous tenir compagnie, avança-t-il en forme de préambule.
Irbit se composa le même visage hermétique qu’il avait déjà vu maintes fois dans les traits de son grand-père. Sa réponse tarda à venir.
Puisque mon grand-père est d'avis que je ne peux pas me garder toute seule, asseyez-vous donc, mais, franchement, je ne vois pas l'utilité de votre présence.
Nous ne voudrions pas avoir l'air de nous imposer, dit Liam en prenant place sur une chaise. Votre grand-père a peur, Irbit, peur pour ce qui peut vous arriver si cette troupe en armes réussit à pénétrer au coeur du complexe, vous comprenez ?
La jeune fille réagit comme si elle venait de prendre subitement conscience de la réalité. Sa voix était tendue.
Vous ne m’apprenez rien de très neuf.
Liam se rendit compte qu'il ne servait à rien d'entamer une discussion qui ne conduisait nulle part.
Où sommes-nous au juste ici, Irbit ? demanda-t-il d'un ton amical mais obstiné.
Irbit le fixa un instant, troublée par une question à laquelle elle ne s’attendait visiblement pas.
Chez moi... Non. vous êtes plutôt chez nous ! répondit- elle avec une pointe de fierté.
Keifer et Liam se consultèrent du regard. Ces paroles en forme de boutade suscitaient de nombreuses interrogations. Liam la questionna à nouveau :
Quand nous sommes arrivés devant le rocher qui masquait l'entrée du tunnel, vous nous avez donné l’impression que, vous aussi, vous vous trouviez à cet endroit pour la première fois de votre vie. Votre surprise était pareille à la nôtre, vous découvriez cette galerie en même temps que nous...
Irbit soupira, gênée, car la réponse qu'elle leur avait donnée était exacte, quoique incomplète. Comment pouvait-elle leur expliquer qu’elle était déjà venue ici, tout au moins son esprit, dans le refuge secret de son grand-père ? Comment leur faire comprendre qu’elle-même ignorait ce fait jusqu/à la veille ? Qu’elle n’en avait pris connaissance qu’à l’aide d'une méthode de régression mentale proche de l'hypnose, et que ces souvenirs étaient remontés dans son subconscient quand son grand-père l'avait délivrée du Message ? Et que ce Message demeurait pour elle complètement hermétique, mais que nonobstant le complexe était son "foyer” ?
Baissant les yeux, Irbit parut se refermer et avala nerveusement sa salive.
Ma maison est ici, je n'en ai pas d’autre. C’est vrai, je suis aussi désorientée que vous, mais mon grand-père m’a fermement assurée que nous nous trouvions dans le seul endroit où nous pourrions vivre en paix.
Liam se demanda quels arguments avait dû utiliser le vieil homme pour la convaincre qu’ils étaient en sécurité. A sa connaissance, au moins deux organisations terroristes essayaient toujours de la capturer, sans compter la trentaine de mercenaires qui progressaient en ce moment même dans le tunnel.
Admettons, concéda-t-il en donnant à sa voix une nuance d’apaisement. Mais ce complexe, et ça vous devez l’avouer, a été construit dans un autre but que celui de servir de foyer !
Désorientée, Irbit leva la tête vers l’Irlandais. Le calme de son regard bleu-vert la rassura. Elle essaya de se convaincre qu'elle pouvait se fier à eux, mais il lui était difficile d'oublier les paroles que son père lui avait si souvent répétées : “Tu n’es pas une fille comme les autres, Irbit. Ton destin ne t'appartient pas, il a été tracé. Le seul abri que tu puisses trouver est au sein de ta famille, nulle part ailleurs. Souviens-toi, Irbit, tu ne peux faire confiance à personne, tu m’entends ? A personne !”
Liam la fixait avec une telle intensité que la jeune fille fronça les sourcils et une détresse profonde se dessina dans ses yeux.
Quel était le contenu de ce Message que vous deviez lui
livrer ?
Au début, ses lèvres entrouvertes formèrent des mots dans un souffle à peine perceptible. Peu à peu, sa voix reprit de l'assurance. Son regard était toujours chargé d’appréhension, mais la méfiance avait disparu. Liam lui avait sauvé la vie en risquant la sienne, et son père n’était plus là pour la protéger.
Il y a déjà très longtemps que mon grand-père a découvert le tréso
Il eut juste le temps de se rouler en boule sur le sol. Le souffle de l’explosion le secoua violemment tandis qu’une écharde de métal chauffée à blanc laboura son flanc à la hauteur du sein. Ali déglutit péniblement pour dégager ses tympans malmenés et secoua la tête d’un geste violent, presque enragé, comme s’il voulait se débarrasser de la douleur par la seule force de sa volonté.
Youssouf. qui était resté près de la porte blindée, évalua la situation avant de se décider à bouger. Il y avait certainement eu des blessés, mais leur objectif principal n'était pas compromis pour autant. D'ailleurs, si le besoin s’en faisait sentir, il pouvait appeler des renforts pour remplacer les éclopés. Le plus urgent était de remettre un peu d’ordre dans les esprits et de réagir avec célérité.
Il avait été témoin du geste courageux d'Ali. Malgré son antagonisme, il fut soulagé de conclure que l’Ayatollah ne l'avait pas choisi au hasard. Au milieu de la pagaille générale, il avait été le seul à se comporter avec sang-froid.
Hébétés et hagards, les hommes se tenaient serrés les uns contre les autres. Youssouf les regarda avec curiosité, son coeur battant sans doute aussi vite que le leur. Il prit alors conscience de sa propre peur. Inspirant profondément pour lutter contre l'angoisse qui le glaçait, il composa soigneusement son visage pour ne pas révéler ses émotions. L’obstination se lisait dans ses
yeux.
- Le danger est écarté, assura-t-il à ses hommes en marchant vers eux. Mettez les blessés sur le côté. Les autres, venez avec moi.
Puis, comme le sursaut qu’il espérait provoquer tardait à venir, il ajouta d’un ton partagé entre le mépris et la menace : "Allons, réveillez-vous ! Vous ne voulez pas vous venger ?”
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Les membres de l'équipe de garde étaient tournés vers l’écran qui transmettait ces faits. Ils avaient connu un moment encourageant quand le buggy avait explosé, mais l’espoir motivé par les premières images était vite retombé. Autour du Saoudien, les visages étaient soudain devenus graves. Il surprit même dans son entourage certaines réactions de nervosité.
J’ai compté quatre blessés légers, annonça Farid d'une voix atone. Les intrus sont encore au nombre de vingt-et-un.
Beaucoup trop nombreux... rétorqua Yoran avec un froncement des sourcils.
La chambre d'Irbit se trouvait au bout d’un long couloir dont les murs étaient recouverts d’un matériau synthétique blanc qui réfléchissait sur le sol une lumière opalescente. La pièce était isolée du reste du complexe souterrain. Comme dans les autres, l’ameublement y était suscint. Une commode aux lignes épurées était la seule entorse à l'austérité qui régnait dans les lieux.
Le professeur Keifer et Liam remarquèrent avec surprise que la jeune fille était habillée à l’occidentale. Elle portait un simple jean et un pull gris en cachemire au col roulé qui soulignait les formes de son corps gracieux. Retenues en hauteur par une broche en écaille, les boucles de sa chevelure aile de corbeau retombaient sur ses épaules. Elles épousaient avec un léger décalage l'humeur de ses gestes, en les amplifiant. Ce mouvement
avait en soi quelque chose de jeune et de vulnérable.
Liam hésita un moment, pris de court par ce changement auquel il n'était pas préparé. L'attitude d'irbit lui apprit qu’elle n’était pas particulièrement heureuse de les recevoir.
Votre grand-père nous a prié de vous tenir compagnie, avança-t-il en forme de préambule.
Irbit se composa le même visage hermétique qu’il avait déjà vu maintes fois dans les traits de son grand-père. Sa réponse tarda à venir.
Puisque mon grand-père est d'avis que je ne peux pas me garder toute seule, asseyez-vous donc, mais, franchement, je ne vois pas l'utilité de votre présence.
Nous ne voudrions pas avoir l'air de nous imposer, dit Liam en prenant place sur une chaise. Votre grand-père a peur, Irbit, peur pour ce qui peut vous arriver si cette troupe en armes réussit à pénétrer au coeur du complexe, vous comprenez ?
La jeune fille réagit comme si elle venait de prendre subitement conscience de la réalité. Sa voix était tendue.
Vous ne m’apprenez rien de très neuf.
Liam se rendit compte qu'il ne servait à rien d'entamer une discussion qui ne conduisait nulle part.
Où sommes-nous au juste ici, Irbit ? demanda-t-il d'un ton amical mais obstiné.
Irbit le fixa un instant, troublée par une question à laquelle elle ne s’attendait visiblement pas.
Chez moi... Non. vous êtes plutôt chez nous ! répondit- elle avec une pointe de fierté.
Keifer et Liam se consultèrent du regard. Ces paroles en forme de boutade suscitaient de nombreuses interrogations. Liam la questionna à nouveau :
Quand nous sommes arrivés devant le rocher qui masquait l'entrée du tunnel, vous nous avez donné l’impression que, vous aussi, vous vous trouviez à cet endroit pour la première fois de votre vie. Votre surprise était pareille à la nôtre, vous découvriez cette galerie en même temps que nous...
Irbit soupira, gênée, car la réponse qu'elle leur avait donnée était exacte, quoique incomplète. Comment pouvait-elle leur expliquer qu’elle était déjà venue ici, tout au moins son esprit, dans le refuge secret de son grand-père ? Comment leur faire comprendre qu’elle-même ignorait ce fait jusqu/à la veille ? Qu’elle n’en avait pris connaissance qu’à l’aide d'une méthode de régression mentale proche de l'hypnose, et que ces souvenirs étaient remontés dans son subconscient quand son grand-père l'avait délivrée du Message ? Et que ce Message demeurait pour elle complètement hermétique, mais que nonobstant le complexe était son "foyer” ?
Baissant les yeux, Irbit parut se refermer et avala nerveusement sa salive.
Ma maison est ici, je n'en ai pas d’autre. C’est vrai, je suis aussi désorientée que vous, mais mon grand-père m’a fermement assurée que nous nous trouvions dans le seul endroit où nous pourrions vivre en paix.
Liam se demanda quels arguments avait dû utiliser le vieil homme pour la convaincre qu’ils étaient en sécurité. A sa connaissance, au moins deux organisations terroristes essayaient toujours de la capturer, sans compter la trentaine de mercenaires qui progressaient en ce moment même dans le tunnel.
Admettons, concéda-t-il en donnant à sa voix une nuance d’apaisement. Mais ce complexe, et ça vous devez l’avouer, a été construit dans un autre but que celui de servir de foyer !
Désorientée, Irbit leva la tête vers l’Irlandais. Le calme de son regard bleu-vert la rassura. Elle essaya de se convaincre qu'elle pouvait se fier à eux, mais il lui était difficile d'oublier les paroles que son père lui avait si souvent répétées : “Tu n’es pas une fille comme les autres, Irbit. Ton destin ne t'appartient pas, il a été tracé. Le seul abri que tu puisses trouver est au sein de ta famille, nulle part ailleurs. Souviens-toi, Irbit, tu ne peux faire confiance à personne, tu m’entends ? A personne !”
Liam la fixait avec une telle intensité que la jeune fille fronça les sourcils et une détresse profonde se dessina dans ses yeux.
Quel était le contenu de ce Message que vous deviez lui
livrer ?
Au début, ses lèvres entrouvertes formèrent des mots dans un souffle à peine perceptible. Peu à peu, sa voix reprit de l'assurance. Son regard était toujours chargé d’appréhension, mais la méfiance avait disparu. Liam lui avait sauvé la vie en risquant la sienne, et son père n’était plus là pour la protéger.
Il y a déjà très longtemps que mon grand-père a découvert le tréso
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