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Irlandais trouva cette impassibilité anormale. Quelque chose dans le passé de son compagnon avait dû verrouiller sa conscience.
Après une montée sans rencontrer d’obstacle, ils débouchèrent sur un large palier desservant l’étage. Comme au rez- de-chaussée, il y avait une pièce à gauche des marches et deux autres un peu plus loin sur la droite. Un bruit de voix arriva jusqu’à eux, atténué par l’épaisseur d’une porte. Comme le couloir était vide, Linnemann avança prudemment jusqu’à l’endroit d’où provenaient les voix.
Youssouf sentit que quelque chose était en train de mal tourner. Il jeta un coup d’oeil par l’entrebâillement de la persienne, mais le jardin attenant à la villa était désert. Quand il tendit l’oreille, son inquiétude redoubla. La maison était plongée dans un silence total qui tranchait sur le comportement habituel de la horde qu'il avait sous ses ordres. Il se trouvait toujours quelqu'un pour claquer une porte, pour marcher dans le couloir ou pour dévaler l’escalier en hurlant des insanités. Et le seul bruit qu’il entendait à présent était celui de la respiration saccadée de Larbi, qui surveillait leur prisonnière à deux pas du lit. Son acolyte était tellement fasciné par le corps de la jeune fille, attachée et sans défense, que Youssouf lui trouva un air bestial.
Youssouf crut percevoir un bruit étouffé provenant du rez- de-chaussée. Il n’était sûr de rien mais, dans le doute, il prit son pistolet qu’il avait déposé sur la table, fit monter une balle dans le canon et enleva la sécurité avant de glisser l’arme dans le creux de ses reins.
Les nerfs de George Linnemann étaient tendus à l’extrême. Il savait que la dernière partie de l’opération était la plus délicate ainsi que la plus dangereuse. Il assura la prise sur son Sig, détendit imperceptiblement les muscles de sa main pour améliorer l'efficacité de son tir et inspira un bon coup avant de se lancer à l'attaque.
Je vais rentrer le premier, Liam. Tu restes près de la porte. Mets-toi à genoux pour me couvrir, mais n’appuie sur la détente que si tu es sûr de toucher ta cible. Il faut éviter de blesser la petite si elle est enfermée là-dedans. O.K. ?
Quand Liam fut en position, son arme brandie à deux mains, Linnemann frappa à la porte comme l’aurait fait l’un des gardes d’en bas, l'ouvrit à la volée et plongea dans la pièce avec une souplesse étonnante pour un homme de sa carrure.
Il se rétablit aussitôt, l'arme prête à faire feu, mais les occupants de la pièce réagirent avec une célérité qui le déconcerta. L'un d'eux bondit derrière un lit de camp situé près du mur, mais le deuxième était sans aucun doute le plus dangereux des deux. Il se précipita sur le lit et, avec la rapidité d'une vipère, tira un poignard de sa taille et en darda la pointe contre la gorge de la jeune fille.
Si vous bougez d’un seul centimètre, je la crève ! hurla Larbi en arabe sans se retourner, déterminé à exécuter sa menace. Il se doutait que celui ou ceux qui étaient arrivés à pénétrer dans la pièce voulaient à tout prix récupérer la fille vivante.
Le pistolet de Linnemann était braqué sur le dos de Larbi, mais il n’osa pas tirer. Même s’il touchait du premier coup un organe vital, son ennemi n’avait qu'à se laisser tomber pour égorger la petite. Et il était payé justement pour éviter que cela n'arrive. Il obtempéra, et le canon du Sig Sauer descendit lentement vers le sol.
Qu'est-ce que tu as l'intention de faire, Larbi ?
Youssouf, qui connaissait le caractère irréfléchi de son
acolyte, redoutait que Larbi ne commît une erreur fatale. L’Elue morte, il ne leur resterait aucun moyen pour contraindre Yoran à coopérer dans le sens souhaité par leurs commanditaires. Et
Youssouf savait que dans ce cas-là. leurs vies ne vaudraient pas davantage que la dépouille d’un chameau abandonnée au milieu du désert. Il l'interpella à nouveau :
Ne fais pas de conneries, Larbi ! Calme-toi. le roumi est en train de baisser son arme.
Alors ramasse-la et porte-la moi tout de suite !
Non. Je la prends et je la garde ! répondit Youssouf catégorique.
Donne-la moi, je te dis ! cria Larbi en appuyant un peu plus fort son couteau contre la gorge de la jeune fille.
Pour quoi faire ? Je peux le tenir en respect aussi bien que
toi...
Donne ! s'impatienta le plus jeune. Je vais lui trouer la peau, à ce kelb2 ! Après, ce sera le tour de cette salope. Elle ne nous sert plus à rien. Le Message est ailleurs. Autant la tuer tout de suite.
Youssouf comprit qu’il n'obtiendrait rien de lui. Son camarade n'utilisait que la seule force de ses bras, jamais sa cerve lie. Il ramassa le pistolet de Linnemann, le pointa sur l’Américain, et recula lentement vers le lit.
Liam était resté dans l’ombre, invisible aux regards venant de l’intérieur de la pièce. Comme il hésitait à intervenir dans une situation qui paraissait compromise, il s'obligea à attendre, l'arme toujours en position de tir, une balle engagée dans le canon et le doigt lové sur la détente.
Sans quitter Linnemann des yeux, Youssouf colla son pistolet contre la tempe de son subordonné.
Lâche-la, Larbi. Il nous la faut vivante. Allez, dégage !
Le corps de Larbi se raidit le temps d'un battement de cils. Ensuite, la main armée du couteau fusa vers Youssouf et déchira sa joue de l'oreille à la mandibule.
Irbit hoqueta, terrifiée.
Youssouf recula d'un pas, portant d’instinct la main sur sa balafre. Larbi se retourna à ce moment et bondit sur lui. la lame en avant. Il agit avec la force d’un ressort qui se détend puis se contracte, et le couteau se planta dans l'avant-bras de son camarade.
; chien, en arabe
Youssouf essaya de réagir et, malgré la douleur, tenta de contrer Larbi pour le faire basculer sur le lit.
Linnemann s’était remis debout et contourna la table pour s’approcher de l’Elue, mais il ne pouvait pas intervenir tant que durait l’empoignade.
Liam avait calé son dos contre l’embrassure, retrouvant une sensation qu’il avait bien connu pendant ses longues chasses en Irlande. Il n’était pas un tireur d'élite, mais il arrivait toujours à se débrouiller convenablement avec une arme. Larbi se trouvait à trois mètres de lui à peine. C’était un coup qu’il ne pouvait pas manquer.
Larbi replia les genoux contra sa cage thoracique, les pieds au contact du ventre de Youssouf. Il redressa les jambes avec toute l'énergie dont il était capable et son compagnon s’envola les bras en l'air, heurtant la table placée au milieu de la pièce. La théière et les deux tasses se fracassèrent au sol, et le bruit du verre brisé contre le carrelage parut incongru dans cette tension extrême.
Ayant retrouvé sa liberté de mouvement, Larbi se rétablit en s’aidant du mur, écrasant au passage les jambes d’Irbit de tout son poids. Il avait réussi à conserver son couteau. Il regarda la jeune fille, et la peur qu’il lut le combla d’aise. Se sentant à nouveau maître de la situation, il tourna la lame entre ses doigts, ce morceau de métal qui avait le pouvoir d’ôter une vie ou de l'épargner. Le contact de l'acier contre sa peau l’excitait. Et, dans le cas d'Irbit, sa décision était prise. Il leva le bras armé, savourant cet instant qui lui procurait un plaisir bref, mais intense.
La balle calibre 9mm parabellum brisa deux de ses dents, perfora son palais, et le plomb gainé de cuivre explosa dans le cervelet. La tête de Larbi s’affaissa d’abord. Le tronc suivit, inerte, pesant davantage sur les jambes de la jeune fille.
Le cri d’Irbit secoua son corps d'un spasme nerveux. Son esprit vacillait, et la jeune fille avait du mal à détacher son regard du cadavre de Larbi, dont les yeux, restés ouverts, la fixaient au delà la mort.
Liam s'arracha une nouvelle fois avec difficulté à
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