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ient encore apporter la preuve qu’un peuple étranger, les Hyksos en l’occurrence, avaient bâti puis occupé la cité du plateau de Mastabah qu’ils venaient de découvrir. Ce qui aurait révolutionné toutes les théories existantes quant au peuplement de l'ancienne Arabie.
Parmi les restes récupérés auprès des murs, est-ce que tu as trouvé un objet quelconque qui puisse ressembler de près ou de loin à des vestiges hyksos ?
Non, reconnut Keifer avec une pointe de regret. Les poteries, les ustensiles de cuisine, les parures ou les flûtes en os de cervidé que nous avons trouvés jusqu’à présent appartiennent tous, sans l'ombre d’un doute, à la culture arabo-nomade de l’époque.
Alors, quelles conclusions peux-tu tirer de tes premiers mois de fouilles ?
Mes conclusions, mes amis, sont simples... 11 faut persévérer, se battre encore et toujours contre ce sable ingrat, mais je suis persuadé que tôt ou tard nous finirons par mettre à jour quelque chose...
Montre-nous sur la carte à partir de quel endroit vous allez poursuivre les fouilles, lui demanda Akim. Toutes ces explications avaient excité sa curiosité.
Eh bien, d’après la chèvre, nous avons décidé de creuser autour de cette élévation qui se trouve là, dit-il en indiquant avec sa baguette un point situé au nord-est de la ville, à quelques centaines de mètres de la bordure fortifiée.
Akim ne put retenir une moue de surprise et répliqua aussitôt :
-Comment cela, “d’après la chèvre” ?
Raconte-leur cette histoire si tu veux, Liam, répondit Keifer avec un sourire énigmatique. Habitué à ce genre de réunion, il avait gardé pour la fin sa meilleure cartouche.
Liam enleva d’un doigt distrait une goutte de sueur qui perlait sur le côté droit de son front et expliqua de sa voix grave :
Comme vous l'a précisé tout à l'heure le professeur Keifer, les objets que nous avons retrouvés en creusant auprès de la muraille de Mastabah sont tous issus sans exception des mains des artisans arabes qui peuplaient le plateau il y a plus de trois mille ans. Les analyses de datation au carbone 14 effectuées sur une douzaine d’échantillons prélevés aux quatre points cardinaux de la muraille, tous ces sédiments d’argile, ossements et poteries, appartiennent à la même époque. Par conséquent. l’occupation de Mastabah s’est déroulée sur une période assez courte puis a cessé brusquement, comme si une catastrophe naturelle s’était abattue sur la cité, empêchant le développement de toute vie.
“Nous avons envoyé aux Etats Unis, pour confirmation, des échantillons de pollen, de semences et d’autres matières organiques, mais nous sommes persuadés que notre théorie est la bonne.”
Tout ceci est très intéressant, jeune homme, et vos explications fort claires, mais, par pitié ! éclairez ma lanterne à propos de cette histoire de chèvre. Je suis persuadé que nos amis ici présents sont tout aussi intrigués que moi ! interrompit Akim, impatient de connaître le fin mot de l’histoire. Quand il était descendu de l’hélicoptère qui l’avait amené sur place trois heures plus tôt, Keifer l’avait accueilli avec un éclat dans les yeux qui ne brille que dans le regard des archéologues qui sont sur le point de trouver quelque chose. Bien entendu, Akim lui avait demandé aussitôt :
Et alors ? Tu avais raison, n'est-ce pas ?
Keifer lui avait serré la main avec une vigueur révélatrice, mais s’était contenté de répondre :
Tu as vu ce nez qui se profile au milieu de ma figure comme une citrouille dans un champ de lentilles ? Eh bien, cette excroissance-là contient mon outil le plus précieux : mon flair.
La chèvre... reprit Liam en se levant à son tour pour venir près de la carte accrochée au tableau amovible. Voilà : depuis bien avant le début des fouilles, le plateau désolé de Mastabah, où poussent quelques variétés d'épineux et de graminées, sert de pâturage d’été au maigre troupeau de chèvres d’un vieux paysan du village de Jabal Qarnayt.
“Il y a tout juste trois jours, nous avons creusé au bulldozer sur la base de cette colline que vous voyez ici. Nous avions l’intention de combler une cuvette naturelle située à une centaine de mètres plus loin sur la gauche, exactement là, ajouta-t-il en indiquant avec sa baguette un autre endroit sur la carte. Nous voulions entreposer là du menu matériel et monter un petit atelier de réparations.
Quand le bulldozer eut terminé sa tâche, la petite colline n’avait été amputée que d'une quantité insignifiante de sable près de sa base. Nous pouvons comparer sa forme actuelle à celle d'un flan qui vient d’être entamé par une cuillère.
Le lendemain, comme d’habitude, la douzaine de chèvres de notre paysan revint brouter parmi les racines déterrées la veille au cours des fouilles. L’une de ces chèvres, la réincarnation d'Ahmosé comme se plaît à l’appeler depuis le professeur Keifer, choisit comme garde-manger l'emplacement sur lequel nous étions
en train de travailler.
Le professeur Keifer et moi nous trouvions assez près de l’endroit, car l'un de nos assistants saoudiens venait de trouver quelques tessons d’argile cuite. L’acharnement de la chèvre à déterrer quelque chose dans ce paysage de désolation attira tout de suite notre attention. Personnellement, je ne remarquais rien d’autre qu’un animal têtu en train de chercher sa pitance, mais le professeur Keifer a la chance de posséder un regard beaucoup plus expérimenté que le mien, outre son flair providentiel, bien sûr. Il me prit par le bras, s’arrêta d'un coup et me dit d’un ton excité :
Regarde, là, à côté de la chèvre !
Je regardais à l’endroit qu’il m’avait indiqué, mais je ne vis rien d’autre qu’une petite colline aux pieds de laquelle était en train de brouter une chèvre !
Le professeur s’approcha alors en plissant les yeux pour donner plus d’acuité à sa vue.
Là, à côté de son sabot droit ! me dit-il encore.
Le bulldozer, en creusant, avait dégagé un espace dont la couleur du sable était nettement plus sombre que celle d’un ton beige doré du reste du monticule. Et je découvris enfin ce qui avait attiré son regard.
Akim Al-Udaysat et le général Al-Saïf écoutaient avec une curiosité manifeste les explications fournies par le jeune Irlandais. Cheik Yoran, lui, le regard éteint et le corps figé dans une raideur monacale, paraissait se trouver à mille lieues de cette tente plantée au milieu du désert. La réussite ou l’insuccès des fouilles semblait l’indifférer au plus haut point.
Qu’est-ce que vous avez trouvé aux pieds de la chèvre ? demanda Akim, qui trouvait que le silence de Liam se prolongeait inutilement et avait hâte de savoir. Un objet de valeur, peut-être la roue d’un char de combat hyksos ...?
Non, ni l’un ni l’autre. Juste un morceau de marbre d’un blanc immaculé qui tranchait nettement dans le fond couleur pain d’épices de l’entaille causée par le bulldozer.
“Nous nous sommes accroupis auprès de l’animal et, avec un soin extrême, nous avons dégagé à la main la surface polie de la pierre. Le sable tombait facilement, et un peu moins d’un quart d'heure plus tard un bloc d'un mètre sur cinquante d'une pureté rare s’étalait devant nos yeux ahuris.”
Liam se souviendrai toujours de l’expression du professeur à ce moment précis. Son visage s’était transfiguré. Un léger frémissement de ses lèvres le fit comprendre à quel point celui qui était son maître ainsi que son ami connaissait un moment d’émotion privilégié. Après cet instant magique, le regard de Keifer s’adoucit et la tension qui l'habitait depuis le début des fouilles se transforma en une moue de détente et de soulagement.
Si vous avez trouvé du marbre ici, cela voudrait dire, si je ne m'abuse... int
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