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u cours de son enquête préliminaire tendait à prouver que la renommée de cheik Yoran n’était pas le fruit d’une cabale montée dans le but de le tromper. Par conséquent, il comptait agir avec la plus extrême prudence, en calculant à l'avance chacun de ses pas, et en déplaçant ses pions comme et quand il le jugerait opportun. La pénétration de la citadelle de Yoran s'apparentait au jeu de l'oie. Les dés jetés, il était pratiquement impossible de remonter l’itinéraire en forme de spirale sans tomber dans l'un des nombreux pièges disséminés le long du parcours.
En premier lieu, il leur fallait prendre place dans la citadelle. Youssouf savait qu'ils n'auraient aucun mal à démolir le bloc de pierre qui masquait l'entrée au milieu du tunnel. Une simple charge de plastic suffirait pour ouvrir la voie qui conduisait au repaire du cheik. Mais, connaissant la finesse de son adversaire, la fragilité apparente de cette fermeture devait être en soi un guet- apens. S'écartant pour laisser passer l’artificier qui quittait les lieux après avoir posé sa charge, il se tourna vers Ali.
Dégageons le tunnel, Ali. Dis à tes hommes de continuer à surveiller les entrées, quoique je ne pense pas que nous ayons des surprises de ce côté, fit il avec un rictus qui aurait pu passer pour
un sourire de complicité.
Son équipe, composée de mercenaires et de serviteurs zélés de l'Ayatollah, était forte de trente-deux hommes aguerris et en parfaite condition physique. Il devait s’avouer que le choix d’Ali correspondait tout à fait aux besoins du moment.
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Le centre de contrôle opérations de Yoran occupait une pièce rectangulaire, basse de plafond et toute en longueur. L’équipe de veille était au complet depuis l’arrivée du chcik. Chaque spécialiste connaissait le rôle qui lui était assigné. Ils avaient tous acquis cet automatisme propre aux exercices nombreuses fois répétés, mais le doute, qui s'était insidieusement glissé dans l'enceinte, planait imperceptiblement au-dessus des têtes.
L'ennemi était puissant, et il était décidé. La confrontation était donc inévitable. Face au fanatisme de leurs adversaires, les hommes de Yoran ne pouvaient opposer qu'une technologie avancée et le désespoir de ceux qui se sentent acculés. Yoran, lucide, le savait, comme il savait aussi que la meilleure manière de dominer la peur rationnelle de mourir était d’occuper l'esprit jusqu'à l'oublier.
Et la façon la plus appropriée d’atteindre un tel but était d'inverser les rôles. Leurs assaillants, de chasseurs, allaient devenir chassés.
*
Dix minutes plus tard, l'explosion des charges placées dans l'axe du mur surprit les hommes de Youssouf par son bruit étouffé. Ils s’attendaient à une déflagration dont l'écho serait amplifié par l'étroitesse du tunnel, mais les artificiers de l'équipe d'Ali étaient des professionnels. Quand le nuage de poussière commença à se dissiper, une douzaine d’hommes se précipitèrent vers l’ouverture afin d’en bloquer l'accès.
Youssouf, qui était arrivé parmi les premiers, braqua une lampe puissante dans l’étroit boyau que l'explosion avait dégagé. Le sol était jonché de pierres, et une partie du plafond s’était effondrée, mais il remarqua aussitôt le passage en terre battue qui, après une légère déclivité, s’enfonçait en formant un coude vers le centre du refuge de cheik Yoran.
Comme ils avaient franchi ce premier obstacle aussi facilement que prévu, Youssouf décida de mettre à profit l’inconscience de son subordonné.
- A toi l’honneur. Ali. Prends quelques hommes avec toi et dégage-nous ce maudit chemin !
Maître, ils ont fait sauter la porte et ils sont en train de s’engager dans le couloir d’accès !
Yoran s’approcha du préposé au contrôle des écrans et posa une main sur son épaule d'un geste familier. Face à lui, le mur était meublé d'une batterie de moniteurs reliés aux caméras qui surveillaient le chemin conduisant au poste central de veille.
Garde ton sang-froid, Farid. Maintenant nous savons qu'ils ont franchi le premier obstacle. Essaye de les compter et de voir de quel type d’armement ils disposent.
Son visage n’avait rien perdu de son calme habituel quand il s’adressa à un autre de ses collaborateurs.
Tu peux faire rentrer nos invités. Il ne sert à rien de les maintenir plus longtemps dans l’ignorance du danger.
Keifer et Liam furent rapidement introduits dans la salle de contrôle, mais le petit Tafik demeurait toujours introuvable. Yoran les invita à s’installer autour d'une table basse placée face aux écrans.
Je sais que vous attendez des explications, mais le moment est mal choisi. Je vous les fournirai en temps voulu, c’est promis. Pour l’instant, je veux simplement que vous regardiez cet écran, voulez vous ? dit-il en leur montrant du doigt le plus à gauche de la rangée supérieure. Vous remarquerez que le passage par lequel nous sommes arrivés a été découvert par nos mystérieux poursuivants. Ce qui est plus grave, ils ont franchi le sas d’accès. Comme vous pouvez le constater, ils sont venus en force.
Fasciné, Liam suivit les mouvements des hommes en armes qui avançaient le long du couloir. Leurs gestes étaient prudents, calculés. Il demanda :
Pouvons-nous faire quelque chose pour vous aider ?
Rien, merci. Juste regarder, rétorqua Yoran en secouant la
tête.
Je suppose donc que vous avez confiance en vos propres moyens... Que va-t-il se passer, à votre avis ? dit Liam, hésitant entre la perplexité et la curiosité.
Le regard du Saoudien devint particulièrement aigu. Il répondit plus pour lui-même que pour ses invités :
Notre premier mouvement sera de déstabiliser l'adversaire par le biais de la peur et du doute.
De la peur ? s’enquit Liam avec une moue dubitative.
Exactement, répondit Yoran sans sourciller. Je vais déchaîner, pour eux, les portes de la folie, et leur ouvrir en grand celles de l'enfer...
* * *
La colonne de tête s'était engagée sans encombre dans l'étroit corridor coudé conduisant à la pièce où se trouvait la porte étanche commandant l’accès à la galerie principale. Ali, par précaution, avait posté quatre de ses hommes un peu en retrait afin de couvrir leurs arrières. Il les avait choisis parmi les plus expérimentés de son équipe. Lourdement armés, ils pouvaient repousser une attaque éventuelle venant de l'extérieur. Tous étaient habillés avec un treillis de camouflage couleur sable, du genre de celui utilisé dans l’armée américaine. Deserî Storm avait fait des
adeptes.
Youssouf, qui marchait à une quarantaine de mètres de l’avant-garde, comprit alors à ses dépens pourquoi Yoran l’Ancien avait fait creuser un couloir qui s’étranglait précisément à la hauteur du coude.
Quand Farid appuya sur le petit bouton situé en dessous du premier écran, son geste eut un effet qui parut dérisoire : la lumière verte du tableau s’alluma. Simplement.
A plusieurs centaines de mètres de là, en revanche, ce modeste bouton rétablit l’électricité sur un réseau complexe de fils de tailles diverses. Les conséquences ne se firent pas attendre.
Commandé depuis le centre de veille de Yoran, le réacteur Pratt & Whitney TF30-412A de 9480 kgp ouvrit au maximum sa tuyère à géométrie variable. Dans toute l'histoire de la motorisation, aucun réacteur n’avait fait l’objet d'un programme de développement aussi considérable. L'air aspiré par l’ouverture fut compressé avant de passer dans une chambre de combustion et dans une turbine actionnant le compresseur. Les gaz chauds transitèrent alors par un important canal de postcombustion. La tuyère de sortie débouchait exactement à trois mètres et demi de la porte étanche.
Propulsés à une vitesse proche de Mach 3, les gaz d’échappement s’engouffrèrent dans le corridor, avant
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