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ait se trouver au fond et à droite de l’entrée de la tente.
Couché sur le sol sablonneux à l’arrière de la jaïma, Youssouf perça un petit trou dans la toile avec son couteau et regarda à l’intérieur pour vérifier l’exactitude de ses conclusions. Malgré l’obscurité, il aperçut une forme indubitablement féminine allongée sur un tapis de laine. Le son d'une respiration régulière arrivait jusqu’à lui.
Soulevant avec précaution un pan de toile, il se glissa furtivement auprès de la silhouette manifestement endormie. 11 sortit d’une poche un coton hydrophile qu'il imbiba d’un mélange d’éther et de chloroforme. La jeune fille s’agitait dans son sommeil, et son épaisse chevelure brune se répandit sur le tissu moiré qui lui servait de couche.
Elle ne se réveilla même pas quand Youssouf appliqua le coton contre sa bouche. Il attendit par précaution une minute ou deux que le soporifique fit son effet, mais la fille était complètement inerte. La tirant par les bras jusqu'à l’ouverture qu'il avait pratiquée, il l’extirpa de la tente et chargea d'un geste vif sur son épaule le corps endormi. Le contact et la chaleur de la jeune fille contre son dos le rassurèrent agréablement. Les nuages avaient recouvert à nouveau le firmament de leur voile opaque, et Youssouf put franchir l'espace découvert qui le séparait d’une rangée de tentes. Il se faufila ensuite entre les piquets et, après de nombreux détours pour éviter les gardes, il se réfugia dans une cuvette naturelle qu’il avait repérée durant sa longue attente. Il se força à attendre cinq bonnes minutes pour apaiser les battements de son coeur et reprit ensuite sa lente et délicate progression vers le grillage qui ceinturait le camp, où il réussit à arriver sans encombre.
A peine un quart d'heure plus tard, il déposa la jeune fille sur la banquette arrière de son véhicule et la ligota consciencieusement. Il démarra aussitôt et s'éloigna du campement aussi vite qu'il le put. Après quatre ou cinq kilomètres de terrain sablonneux et caillouteux, Youssouf parvint à la piste inégale qu'il avait emprunté à l’aller, sur laquelle il roula à vive allure pendant une heure et demi. Il arrêta son véhicule une centaine de mètres avant d’arriver à l’embranchement de la route de Médine.
Comme il voulait s’assurer qu’Irbit ne risquerait pas de se réveiller en route, il sortit le paquet de coton et la bouteille qui contenait le soporifique et passa à l’arrière de la voiture. Quand il alluma le plafonnier, il demeura pétrifié, muet de surprise, contraint de constater que les traits du visage éclairé par la petite ampoule, forts et disgracieux, n’avaient aucune ressemblance avec ceux de la belle Irbit, qui étaient d'une douceur exquise. Il était tombé dans un piège grossier et élémentaire !
La colère qui s’empara de lui ne pouvait pas réparer l’erreur qu’il avait commise. Et Youssouf savait qu'il ne pouvait en aucun cas se présenter devant l’Ayatollah avec les mains vides.
Iles Quirimba (Mozambique), le même jour
La corvette F 220, battant pavillon maltais, poussa à plein régime ses quatre moteurs diesels qui totalisaient 24.000 chevaux. Elle s’éloigna des côtes de l'une des îles de l'archipel des Quirimba et prit sa vitesse de croisière. Sur sa proue, des mains malhabiles avaient badigeonné plusieurs couches de peinture grise afin de masquer le nom d'origine du navire. De près, ce travail bâclé n’abusait personne, mais il était peu probable qu'un curieux eut le loisir de découvrir ce maquillage quand le bâtiment naviguerait dans les eaux de l'Océan Indien.
Construite dans les chantiers de Venise, la corvette avait été lancée pour le compte de la marine irakienne en 1987. Son nom d’origine était celui de Salah Aldin Alayoohi, l’illustre fondateur de la dynastie des Ayoubites à la fin du Xllème siècle, plus connu en
Occident sous le nom de Saladin, le fléau du mécréant. Elle était armée de six missiles Otomat Mk2, de 4 missiles système Albatros, et disposait d'une artillerie embarquée composée d'un canon de 1/76 A A OTO Melara compact, de deux pièces de 2/40 A A Breda, ainsi que de 6 tubes anti-sous-marins du type lias 3. Les usines françaises de Thomson CSF et leurs homologues italiens de Elettronica Gamma avaient fourni l’équipement électronique qui complétait l'armement du navire.
Malheureusement, la corvette n'eut pas l’occasion de se couvrir de gloire durant la guerre qui opposa l’Irak à la coalition occidentalo-arabe en 1991. Au déclenchement des hostilités en janvier de cette année, elle se trouvait au large du Yemen. La présence massive dans ces eaux de la flotte internationale l’obligea à se réfugier dans le port d'Aden. Quinze jours plus tard, comme le contact avec l’Etat-Major de la marine à Bagdad demeurait impossible, le commandant de la corvette rentra en Irak via Amman pour chercher un ordre de mission qui ne fut jamais donné.
L’officier en second du Salah Aldin Alayoobi essaya de forcer le blocus allié par un matin pluvieux de février. Quand le navire se trouva à une soixantaine de milles au large d'Aden, deux bâtiments français et un aviso italien le prirent en chasse. Devant cette menace, le second décida qu’un repli stratégique s’imposait d'urgence. Sa fuite éperdue à plein régime mena d’abord la F220 au port tanzanien de Dar Es Salaam, trajet qui fut suivi d'une courte escale à Mikindani, tout près de la frontière avec le Mozambique. Après des négociations fort courtoises avec les pêcheurs de l’archipel des Quirimba, la corvette termina sa course dans la rade naturelle de la plus grande des îles Quirimba. Le bâtiment tenta de s’y faire oublier du mieux qu'il le put.
La rouille, les parasites marins et les intempéries eurent bientôt raison de sa fière allure. Mais le fléau qui mit fin à la résistance passive et héroïque de l'équipage fut d’une toute autre nature.
Les femmes mozambiquaises avaient coutume de s'habiller avec une ou deux pièces de tissu bariolé qui moulaient leurs corps parfois dénudés. Aux yeux des marins irakiens, elles déambulaient en toutes circonstances avec une démarche lascive. Pour ces marins, habitués à la rigueur vestimentaire islamique, le spectacle quotidien des femmes au sourire engageant et aux courbes prometteuses éveilla rapidement leur virilité assoupie par la force des choses.
Les marins, démunis de tout et sans avoir touché la moindre solde, désertèrent le bord poussés par la faim autant que par le désir de goûter cette chair qui s'offrait sans complexe à leurs regards lubriques. Seul un vieux chaouche 6 demeura à bord de la corvette. Il survécut en démontant des obus dont il revendit les composants métalliques.
Dans ces circonstances, l’équipage à la solde de l’Ayatollah n’eut aucun mal à s’emparer du navire. L'abordage se fit sans coup férir. L’ancien nom fut effacé de la coque, les machines révisées, les soutes furent remplies de mazout, et la F220. sous pavillon maltais, quitta l’abri des îles pour ne jamais y revenir.
Les pêcheurs mozambiquais ne furent nullement mécontents d’être débarrassés de cet encombrant visiteur. Une enquête des services de renseignements américains exhuma des archives ces faits quelque temps plus tard, mais, entre temps, la corvette F220 avait déjà eu l’occasion de faire parler d’elle.
Le commandant Rachid Nafud avait une silhouette puissante. Le bourrelet de graisse qui entourait son cou et sa paupière lourde lui donnaient un profil quelque peu porcin. Sa figure, en revanche, avait conservé un air jovial, presque heureux. Il n’était pas encore d’âge mûr, mais il dominait les 51 membres de son équipage autant par sa masse imposante que par la précision de ses ordres.
Natif de Mostaganem (Algérie), il avait suivi les cours de l’Ecol
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